Agnès Martin-Lugand

Sou­riez, vous êtes heureux 🙂

Agnès Martin-Lugand

Auré­lie Gail­lot : Agnès Mar­tin-Lug­and, bon­jour 🙂 Au risque (assumé) de sin­ger Oprah Win­frey à une heu­re de gran­de écou­te : « Agnès, lisez-vous, buvez-vous du café ? » 😉

Agnès Mar­tin-Lug­and : Bon­jour Oprah ! Quel honneur 😉

Alors oui, je lis. Moins qu’a­vant si je veux être tota­le­ment hon­nê­te. Avant que je ne me lan­ce dans cet­te his­toi­re un peu fol­le de l’é­cri­tu­re, je lisais dès que j’a­vais une minu­te devant moi, main­te­nant dès que j’ai une minu­te, j’é­cris… Aujour­d’­hui, je lis le soir dans mon lit avant de tom­ber dans les bras de Mor­phée, et quand je pars en vacan­ces. Par exem­ple cet été au mil­ieu du grand boum dans lequel j’é­tais plongée avec l’a­ven­tu­re des gens, je vou­lais tra­vail­ler sur mon second roman, et quand je me suis retrou­vée isolée avec ma p’ti­te famil­le, j’ai dit non : pas de tra­vail, mais je vais me fai­re une orgie de lec­tu­re. Allez-vous fai­re vot­re peti­te curi­eu­se et me deman­der ce que j’ai lu l’é­té der­nier ? Bon alors j’an­ti­ci­pe :  Jus­te avant le bon­heur ‚La fem­me de nos vies, Les appa­ren­ces, La vérité sur l’af­fai­re Har­ry Que­bert. Des livres qui racon­tent des his­toi­res, qui vous déten­dent, vous bou­le­ver­sent, vous font pas­ser un bon moment.

Quant au café, c’est une lon­gue, très lon­gue his­toi­re d’a­mour ent­re lui et moi. J’ai com­men­cé peti­te fil­le avec du café au lait, et puis il est deve­nu noir et sucré, main­te­nant, je le bois brut, amer, corsé. J’in­gur­gi­te ma cafe­ti­è­re cha­que matin en écri­vant, le midi mon expres­so, et le soir un déca …

Alors oui, je lis, je bois du café et j’écris…

Un par­cours dig­ne d’un rêve par­fait pour vous avec ce pre­mier livre Les gens heu­reux lisent et boi­vent du café puisque sui­te à l’au­to édi­ti­on numé­ri­que de ce tex­te, un édi­teur a remar­qué  quan­tité de lecteurs pen­dus à vos mots et vous a pro­posé un con­trat. Vous voi­là donc chez MICHEL LAFON  avec ce livre qui ne ces­se de se vend­re, en Fran­ce et un peu par­tout à l’étranger.

Racon­tez-nous ce moment, l’in­croy­a­ble, quand LAFON vous con­tacte, et puis la sui­te… Dites-nous, à une émo­ti­on près, ce que ça fait d’ê­t­re pro­pul­sée directe­ment dans un con­te de fée.

Lorsque Michel Lafon me con­tacte, je suis déjà dans les nua­ges depuis trois semai­nes, car j’ai des lecteurs, je me dis à cet­te épo­que que j’ai bien fait de me bat­t­re, de bos­ser, de tenir bon face aux pré­jugés. Je suis allée au bout de mon aven­tu­re d’é­cri­tu­re en me lançant dans l’au­to édi­ti­on. Donc je suis déjà plus qu’ heu­reu­se quand ils vien­nent vers moi. Un jour j’ai une invi­ta­ti­on FB, je regar­de qui c’est, et je vois la pro­fes­si­on « tra­vail­le chez Michel Lafon édi­ti­ons », bon on dit oui… Cinq minu­tes plus tard, un mes­sa­ge. Là, je lis, et je me dis : «  C’est quoi ce truc de din­gue ? ». Flo­ri­an Lafa­ni, le respon­sa­ble du déve­lop­pe­ment numé­ri­que a lu mon roman, il a été tou­ché et veut savoir si je serais inté­ressée par une publi­ca­ti­on tra­di­ti­on­nel­le. Je ne dis pas oui tout de sui­te, j’ai peur et en même temps, je me sens for­te en tant qu’au­teur indé­pen­dan­te, c’est un situ­a­ti­on qui me plaît, qui me don­ne con­fi­an­ce en moi et qui me réus­sit. Ne vais-je pas tout per­d­re si je pacti­se avec le dia­ble ;-). J’ai quand même ouvert une por­te, mon roman a été lu par une gran­de par­tie de la mai­son, et ils sont reve­nus vers moi avec un con­trat. Durant les deux semai­nes d’at­ten­te, j’a­vais com­men­cé à sai­sir l’am­pleur pour une jeu­ne auteur com­me moi, et du coup, je le vou­lais mon con­trat 😉 J’é­tais fébri­le, anx­i­eu­se, j’ac­tu­a­li­sais mes mails tou­tes les deux minu­tes… Et puis le mail magi­que est arri­vé, ils me sig­nai­ent pour Les gens, mes gens, à moi, mon petit truc… J’ai pleuré, j’ai sauté au pla­fond, j’ai dan­sé tou­te seu­le dans mon salon, j’ai ri. J’ai appelé mon mari…

J’ai per­du le som­meil à cet­te épo­que-là, d’ex­ci­ta­ti­on, de bon­heur, de ver­ti­ge. Oui, je l’ai sou­vent dit en itw, mais j’ai le ver­ti­ge de ce qui m’ar­ri­ve, je me lais­se por­ter, je trans­for­me mes angois­ses en force.

La très bel­le pho­to de cou­ver­tu­re était aus­si cel­le de vot­re livre numé­ri­que, que vous avez sou­haité con­ser­ver pour l’é­di­ti­on papier. Qui a fait cet­te pho­to, qui est sur cet­te photo ?

Cet­te pho­to a été pri­se par Pao­lo Piz­zi­men­ti, pho­to­grap­he ita­lien au talent excep­ti­on­nel ! La pho­to a été trou­vée un peu au hasard… Et elle a débou­ché sur cet­te splen­d­i­de cou­ver­tu­re. C’est ma Dia­ne, au début, au mil­ieu, à la fin du roman. Au delà de l’a­ven­tu­re des gens, c’est aus­si une très bel­le ren­con­t­re. Pao­lo est deve­nu un véri­ta­ble ami qui m’a fait l’im­men­se hon­neur de me deman­der de lui écri­re la pré­fa­ce de son der­nier livre de pho­to Paris Inso­li­te, instan­tané de poé­sie urbai­ne. Nous par­ta­ge­ons l’un et l’aut­re un amour com­mun pour Paris …

Photo de Pizzimenti
Pho­to de Pizzimenti

Col­lecti­on­nez-vous des arti­cles vous con­cer­nant ? Celui de la mer­veil­leu­se Bau­ge de Tho­mas GALLEY, par exemple …

Je le con­fes­se ;-). Au début, je l’ai fait con­vai­n­cue que cela ne dure­rait pas. Et puis, j’ai con­ti­nué pour mes enfants, pour qu’ils aient une preu­ve quand je ne serai plus là, que maman a vécu une aven­tu­re extra­or­di­nai­re avec son livre. Mais je tiens à pré­ci­ser que je ne me suis tou­jours pas remi­se de l’ar­ti­cle de Tho­mas sur mon roman, sa sen­si­bi­lité et sa lec­tu­re m’ont par­ti­cu­li­è­re­ment tou­chée et émue. En revan­che, je n’ai jamais regar­dé mes pas­sa­ges TV, ça je ne peux pas …

Dif­fi­ci­le de se voir,  de sup­por­ter sa pro­p­re ima­ge. Que­s­ti­on à la psy­cho­lo­gue que vous êtes :  Pour­quoi la plu­part d’en­t­re nous ont tant de mal à se regar­der ? Cela tient-il à une sor­te de réflexe lié à quel­que cho­se ayant à voir avec de la pudeur, sor­te de lut­te inté­ri­eu­re ent­re “devoir dire” (donc l’o­bli­ga­ti­on de se mon­trer) et vivre cacher. Ou tout sim­ple­ment com­plexe égo­cen­tré ? Ou que sais-je encore … ?

Tout aus­si dif­fi­ci­le de répond­re à cet­te que­s­ti­on. Je crois que ça a à voir avec la peur de se con­fron­ter à l’i­ma­ge que l’on ren­voie aux autres. Quel­le part de soi avons-nous ou allons-nous révélée incon­s­ciem­ment ? Peut-on jusqu’au bout pré­ser­ver notre jar­din secret ? On ne s’ap­par­tient plus du moment où son ima­ge est uti­lisée, véhi­culée… C’est assez déran­ge­ant, troublant.

Et puis, tout bête­ment, il y a la peur du ridi­cu­le. Je crois aus­si qu’on n’est pas pré­paré à ça. En tout cas, pour ma part, je n’au­rais jamais ima­giné un truc par­eil, me retrou­ver à la télé, c’est le truc din­gue, qui n’ar­ri­ve qu’aux autres, et que je ne cher­chais pas. Soyons clairs, j’é­cris pour être lue, par­ce que j’ai­me dia­ble­ment me plon­ger dans mes his­toi­res, fai­re corps avec mes per­son­na­ges, et cer­tai­ne­ment pour me retrou­ver sous les spots 😉

Mon petit doigt (enfin, le vôt­re 🙂 ) m’a dit que vot­re second roman est en cour de créa­ti­on ; son écri­tu­re est-elle aisée ?

Il est même en pha­se fina­le à l’heu­re où nous échan­ge­ons, je le peau­fi­ne avec mon édi­teur. C’est un roman que j’ai com­men­cé au prin­temps 2012. J’ai sou­vent inter­rom­pu son écri­tu­re, d’a­bord, pour retra­vail­ler Les gens à la sui­te des refus en mai­son d’é­di­ti­on, ens­ui­te pour me lan­cer dans l’au­to édi­ti­on. J’ai réus­si à m’y remet­tre au prin­temps 2013, moti­vée par cet­te his­toi­re. Et puis il y a eu la sor­tie des gens en librai­rie, la pro­mo, l’ex­ci­ta­ti­on per­ma­nen­te qui met­tai­ent des bar­ri­è­res ent­re mon per­son­na­ge prin­ci­pal et moi. Cet été, j’é­tais com­plè­te­ment per­due, je n’ar­ri­vais pas à me con­cen­trer à remet­tre la machi­ne en rou­te. Et puis, j’a­vais peur de déce­voir les lecteurs. Avec mon bre­ak vacan­ces en famil­le avec mon mari et mes enfants isolée du mon­de, je me suis res­sour­cée, j’ai retrou­vé l’es­sen­tiel, l’en­vie d’é­cri­re plus for­te que tout. Je suis rent­rée de vacan­ces, et je me suis mise tête dans le guid­on, je me suis fon­due dans mon his­toi­re, je l’ai regar­dé dif­fé­rem­ment, l’ex­pé­rien­ce de la sor­tie de Les gens, l’ex­pé­rien­ce des lecteurs, m’ont don­né envie d’of­frir à cet­te his­toi­re une por­tée dif­fé­ren­te, de ne pas oublier qui j’étais.

Ce roman aura tou­jours une valeur par­ti­cu­li­è­re à mes yeux, car la pres­si­on n’est pas la même qu’à l’é­po­que où j’é­cri­vais Les gens. Désor­mais, j’ai des lecteurs, j’ai exposé mon écri­tu­re au regard de l’Aut­re. Cer­tains jours cela m’a para­lysée, et puis, il suf­fi­sait d’un mes­sa­ge d’un lecteur pour me remo­ti­ver, pour m’in­ci­ter à me sur­pas­ser. J’ap­prends la con­fi­an­ce en soi… Tout en con­ti­nu­ant en per­ma­nen­ce à me remet­tre en que­s­ti­on… Et puis, je sais aus­si qu’on m’at­tend au tou­r­nant. J’en­tends ce qu’on peut se dire : « Est-ce que c’est jus­te un one-shot ? Est-ce qu’el­le est capa­ble d’é­cri­re une aut­re his­toi­re ? Est-ce que ce n’é­tait pas qu’un coup mar­ke­ting dû au phé­nomè­ne de l’auto-édition ?… »

J’es­saye de prend­re de la dis­tan­ce avec tout ça. Et j’ai la chan­ce d’ê­t­re por­tée par une mai­son d’é­di­ti­ons où je me sens bien, qui m’é­cou­te, qui me lais­se libre.

Vous pen­sez que ces « émo­ti­ons » ou « réacti­ons » sont liées à une cer­tai­ne fier­té ou à la peur de déce­voir (la peur de peiner) ?

Fier­té, abso­lu­ment pas… C’est vrai­ment la peur de les déce­voir, qu’ils se disent : « Mais où est-elle passée ? « J’ai peur de déce­voir mes lecteurs, mon mari, mon entoura­ge, mon édi­teur… Com­me je vous le disais plus haut, j’ai un gros pro­blè­me de con­fi­an­ce en moi, je me remets sou­vent en que­s­ti­on, j’ai tou­jours peur qu’on me trai­te d’im­pos­teur. J’es­saie de trans­for­mer tout ça en positif, que cela me pous­se tou­jours plus loin, plus haut, que cela me pous­se à dépas­ser mes limi­tes, me pous­se dans mes retran­che­ments. C’est mon fonctionnement.

J’ai très envie de savoir dans quel cad­re vous écri­vez ; pou­vez-vous me le décri­re ? (mer­ci !)

Je tra­vail­le dans le salon, pas tou­jours évi­dent avec mes enfants. Il m’est arri­vé d’é­cri­re dans le jar­din aus­si lorsque le temps nor­mand me le per­met, sur une chai­se lon­gue, sur la table de la ter­ras­se… Je cogi­te aus­si beau­coup en voi­tu­re, j’y ai sou­vent de bril­lan­tes idées !

Depuis quel­ques temps, je m’as­treins à une plus gran­de dis­ci­pli­ne, j’ai réus­si à glis­ser un petit bureau dans un coin du séjour de ma mai­son, il est près de la baie vitrée, je vois le jar­din, je me suis fait mon p’tit coin d’un mèt­re car­ré, ter­re sacrée que je ten­te vai­ne­ment de proté­ger. En ter­me d’ho­rai­res, je dois jong­ler avec ma vie de maman et m’a­dap­ter. Ces der­ni­è­res semai­nes, pour avoir des con­di­ti­ons de tra­vail cor­rectes, j’ai décou­vert le tra­vail de nuit… Je me suis levée à 5h30 tous les matins. Mal­gré les yeux qui piquent, et quel­ques fris­sons après être sor­tie de la cou­et­te, je suis tom­bée sous le char­me de cet­te péri­o­de de la nuit, le petit matin. La mai­son est on ne peut plus silen­ci­eu­se, je sais que tout mon p’tit mon­de dort pro­fon­dé­ment. Après un petit déjeu­ner, copi­eu­se­ment arrosé de café noir et fort, je me mets devant mon ordi­na­teur, clo­pe au bec, baie vitrée ouver­te, et je rent­re dans une bul­le. Il n’y a qu’eux (mes per­son­na­ges) et moi, et on est bien, on se retrou­ve et on avan­ce. Bon, ceci dit, je ne le ferais pas en per­ma­nen­ce. Je m’as­treins à tra­vail­ler tous les jours, à un moment où je suis assez tran­quil­le. De tou­te façon, je ne peux pas m’en empê­cher, ou je tra­vail­le sur un roman en cours, ou je con­struis dans ma tête un pro­chain… Les pha­ses où je suis en plein boum, je suis véri­ta­ble­ment tête dans le guid­on, où je dors, je man­ge, je me lave, je fais mes cour­ses… Avec mes personnages.

Mais, mon seul vrai impératif, c’est la musi­que dans les oreil­les. Je suis inca­pa­ble d’é­cri­re un mot, de me reli­re, de me cor­ri­ger, si je n’ai pas la ban­de ori­gi­na­le de mon roman en bruit de fond. D’ail­leurs, c’est sou­vent la musi­que qui m’in­spi­re. J’ai l’idée au fond de moi, mais je ne sais pas com­ment la met­tre en for­me, et puis, j’é­cou­te ou je réé­cou­te une chan­son, j’en décou­vre une nou­vel­le. Et là, il se pas­se un truc magi­que, l’at­mos­p­hè­re de ma scè­ne s’in­si­nue en moi, je com­men­ce à entend­re ce que mes per­son­na­ges vont se dire ou ressentir.

Quel­le était la musi­que de Les gens ?

  • Flo­ren­ce + the machi­ne Dogs days are over et shake it out (ver­si­on acoustique)What the water gave me
  • Kings of Leon  Sex on the fire
  • Lyn­dy­rd Skyny­rd  Sweet home Alabama
  • Red hot chi­li pepers  Otherside
  • Agnes Obel  Riverside
  • Sia  I go to sleep et Soon we’ll be found
  • Mor­chee­ba  Blindfold
  • Mumford& sons  Bro­ken cro­we, whi­te blank page et This­t­le & weeds
  • K’s choi­ce  Home et But­ter­flies instead
  • Muse  End­les­sy
  • Snow patrol  Run
  • Dido  Here with me
  • Lyk­ke li I know pla­ce Get some
  • Ade­le Home­to­me glory
  • Metric Blind­ness
  • Amy Wine­hou­se You know I’m not good
  • The Black Keys She’s long gone
  • Bill Wit­hers Ain’t no sunshine

Depuis la sor­tie du livre et l’é­vè­ne­ment qu’il repré­sen­te via un par­cours édi­to­ri­al peu fré­quent, avez-vous le temps d’al­ler au ciné­ma, de flâ­ner dans les librai­ries (cel­les avec pig­non sur rue et cel­les du net), de man­ger au restaurant ?

C’est quoi le ciné­ma ? Rires.

Quant aux librai­ries, oui, j’y vais, je ne vais pas vous dire que j’y flâ­ne. Je n’ai pas de temps à per­d­re, et sou­vent un mar­mot à la main  ou en pous­set­te, alors… Lorsque j’y vais, je repars avec une pile énorme…

En fait là, je me relis, et je par­le beau­coup de mes enfants … C’est gra­ve docteur ?

Quant au res­to, oui j’y vais de temps en temps, mais prin­ci­pa­le­ment en vacan­ces. Sinon, je le fais venir à la mai­son, je suis une spé­ci­a­lis­te des plats à emporter …

A pro­pos de restau­rant, quel est vot­re préféré ?

La nour­ri­tu­re indien­ne et la liba­nai­se se dis­pu­tent la pre­mi­è­re pla­ce… La gas­tro­no­mie françai­se ne me fait pas pal­pi­ter, de plus je ne fais pas par­tie de la caté­go­rie des gour­mets. Vous ne me ver­rez jamais fai­re la queue ou réser­ver des mois à l’a­van­ce pour aller chez un chef étoi­lé. Mais c’est vrai que les spé­ci­a­lités du bout du mon­de, c’est aut­re cho­se, j’y décou­vre tou­jours des saveurs qui m’en­chan­tent ou me don­nent exces­si­vement soif ! Lorsque je voya­ge, je me fais un devoir de man­ger local. Je suis allée une fois dans un club de vacan­ces, et j’ai été sidérée par les tou­ris­tes qui man­ge­ai­ent des piz­zas et des spag­het­tis alors que nous avi­ons un tel choix de pro­duits locaux… Enfin, je perds le fil du propos…

Une par­tie de vot­re livre se pas­se au café lit­térai­re « Les gens heu­reux et boi­vent du café. » D’où arri­vait cet­te idée de ce com­mer­ce asso­cié aux livres ? Un vieux rêve jamais concrétisé ?

Je n’ai jamais eu envie de tenir un com­mer­ce de livres ou d’aut­re cho­se. Lorsque je cher­chais un métier pour Dia­ne, je me suis sou­ve­nue du café lit­térai­re où j’al­lais lorsque j’é­tais étu­di­an­te à Paris, il était rue Vieil­le du Tem­ple. J’ai vou­lu con­cen­trer des cho­ses que j’ai­mais chez Dia­ne, donc cela col­lait bien. Et quand il a fal­lu lui don­ner un nom, j’ai pen­sé que la lec­tu­re et le café étai­ent deux cho­ses qui, moi, me ren­dai­ent heu­reu­se, alors voilà !

Les per­son­na­ges prin­ci­paux de vot­re pre­mier livre fument énor­mé­ment ; et vous ?

Joker !

Bon, d’ac­cord, je le con­fes­se, je fume ! J’e­spè­re moins que Dia­ne ou Edward, mais je fume quand même. Alors, je sais très bien que cer­tains ont crié au scan­da­le, « Com­ment peut-on autant par­ler de ciga­ret­te dans un roman ? », ma répon­se : « C’est jus­te la vie… « Oui, il y a des gens qui fument… En plus, je ne vou­lais pas en fai­re des per­son­na­ges pro­p­res et lis­ses, ça ne m’in­té­res­sait pas. Dia­ne est une jeu­ne fem­me de notre temps qui soig­ne ses plai­es en cher­chant du récon­fort là où elle peut, et par­fois c’est en fumant son paquet de ciga­ret­tes en quel­ques heu­res et en buvant au point d’ou­blier qui elle est… Ça arri­ve à tout le mon­de. Je ne cher­che pas à fai­re l’a­po­lo­gie du tabac, si mes enfants pou­vai­ent évi­ter de com­men­cer, ça m’ar­ran­ge­rait. Et puis, Edward est quand même plus sexy avec sa clo­pe au bec 😉

Le tou­r­na­ge du film des gens heu­reux a‑t-il com­men­cé ? Con­nais­sez-vous déjà les noms des acteurs qui incar­ne­ront vos personnages ?

Non, le tou­r­na­ge n’a pas com­men­cé, nous n’en som­mes pas là. Et je ne sais pas qui jou­e­ra dedans… Affai­re à suivre…

Vous êtes psy­cho­lo­gue de for­ma­ti­on. Vot­re pro­p­re théra­pie vous a‑t-elle révélé quel­que cho­se d’essentiel ?

Cer­tes, ma pro­fes­si­on d’o­ri­gi­ne m’a don­né des con­nais­san­ces. Mais l’es­sen­tiel, il vient de la vie et des épreu­ves. On app­rend à prend­re du recul, à se cen­trer sur l’es­sen­tiel et les bon­heurs sim­ples. Je ne crois pas que ce soit le fait d’ê­t­re psy­cho­lo­gue qui m’ait fait inté­grer le Car­pe Diem. Ce que je sais de moi, c’est que je suis déter­minée… Et lorsque je veux quel­que cho­se, je ne l’ob­tiens pas tou­jours, mais je mets tout en œuvre pour y arri­ver… C’est ma téna­cité qui m’a amenée là où j’en suis aujourd’hui.

Pour­quoi cet­te pro­fes­si­on, d’ail­leurs ? Pour­quoi psychologue ?

Pour com­men­cer, étu­des de psy­cho à cau­se du pro­gram­me de phi­lo en ter­mi­na­le sur « Con­s­cient, incon­s­cient… » Et puis, je ne savais pas trop quoi fai­re. Ens­ui­te, je me suis pri­se au jeu, j’ai­mais bien ce que j’ap­pre­nais. Donc natu­rel­le­ment, je me suis dit que j’i­rais au bout de mes étu­des. J’ai réus­si, j’ai décro­ché une pla­ce en DESS. J’ai exe­r­cé dans le mil­ieu de la peti­te enfan­ce, et par­ti­cu­li­è­re­ment cel­le mal­menée pour ne pas dire mal­traitée. J’y ai beau­coup appris, mais beau­coup souf­fert. Lorsque je suis deve­nue maman, c’é­tait impos­si­ble pour moi de me con­fron­ter à nou­veau à cet­te souf­fran­ce. J’en gar­de des con­nais­san­ces, je les uti­li­se sans le vou­loir en écri­vant. J’ai­me que mes per­son­na­ges aient des trau­ma­tis­mes, qu’ils aient à les com­bat­t­re et à les vaincre.

Par­lez-nous de vot­re famille.…

Enco­re ! Mais là, c’est vous qui le deman­dez ;-). Donc, je suis mariée, et je suis maman de deux petits garçons de 5 ans et demi et de 18 mois. À part ça, j’ai la chan­ce d’ê­t­re la peti­te der­ni­è­re de trois filles.

Que pen­sent vos enfants du succès de vot­re livre ? Racon­tez-nous leur fier­té, leurs mots à vot­re propos…

C’est sur­tout mon fils aîné qui réa­li­se du haut de son âge qu’il se pas­se quel­que cho­se avec maman. Il recon­naît le livre de maman. Quand on pas­se dans les rayons de la FNAC et qu’il le repè­re, il crie : maman c’est ton livre, et là, je me cache… Sinon, ça lui fait un drô­le d’ef­fet de me voir à la télé­vi­si­on, une fois il était avec ses grands-parents et nous éti­ons en voya­ge avec mon mari, il ne com­pre­nait pas pour­quoi j’é­tais à Paris… M’en­tend­re à la radio, aus­si ça fait bizar­re : il a sor­ti des tru­cs du sty­le : « Mais là, maman, elle est avec Michel Lafon ? ».

Le plus joli moment, c’est lorsqu’il a vu la dédi­ca­ce au début du roman, il com­men­ce à lire, et il a lu son pré­nom, il était tout ému de voir qu’il était dans mon livre. Depuis, il dort avec un exem­plai­re au des­sus de son lit.

C’est très tou­chant en effet !

Un an aupa­ra­vant, quand j’é­tais arri­vée aux urgen­ces en compag­nie de Félix, on m’a­vait annon­cé que c’é­tait trop tard, que ma fil­le était mor­te dans l’am­bu­lan­ce. (Les gens heu­reux lisent et boi­vent du café)

Ça doit être très dif­fi­ci­le, en tant que mère, de fai­re mou­rir un enfant dans un tex­te ; là, Cla­ra avait six ans ! C’est dur… Qu’a­vez-vous res­sen­ti quand vous avez dû la tuer ? Avez-vous hésité à la main­te­nir en vie finalement ?

Je n’ai pas dû la tuer, par­ce que dans mon esprit, elle a tou­jours été mor­te… C’est jus­te­ment par­ce que je me suis posée cet­te que­s­ti­on : qu’est-ce que je ferais si à moi, on m’en­le­vait ce qui m’est le plus cher que le roman est né. Je me suis pro­je­tée à la pla­ce de Dia­ne. Je lui ai tenu la main. Mais dites-vous bien que si je n’ai pas écrit la mort de Cla­ra en tant que tel, c’est bien par­ce que j’en étais inca­pa­ble. Mais autant com­me Dia­ne a avan­cé dans le deuil de son grand amour, autant com­me celui de sa fil­le, je ne suis pas cer­tai­ne qu’el­le s’en remet­te un jour totalement…

Alors oui, ça a été dif­fi­ci­le. Mais en même temps, c’est la mater­nité qui m’a don­né le coura­ge de me lan­cer, j’ai eu une for­ce et un côté tête-brulée le jour où j’ai été maman…

Agnès Martin-Lugand

L’idée d’é­cri­re Les gens est née en regar­dant une émis­si­on sur l’I­r­lan­de à la télé­vi­si­on. Y êtes-vous allée depuis ?

Pour être exacte, le repor­ta­ge TV ne se dérou­lait pas en Irlan­de, mais sur la côte anglai­se. Bon on va dire que c’est kif-kif. Mais lorsque j’ai décidé que Dia­ne par­ti­rait, il me fal­lait un endroit pré­cis. J’a­vais tou­jours rêvé d’I­r­lan­de… Ens­ui­te, j’ai fait com­me elle, j’ai posé mon doigt sur une car­te, et c’est Mul­ran­ny qui a gag­né. Depuis, j’ai foulé deux fois la ter­re Irlan­dai­se. J’en suis amou­reu­se… Je suis allée à Mul­ran­ny, c’é­tait com­me dans ma tête. J’ai arpen­té les rues de Dublin, j’ai bu de la Guin­ness dans les Pubs, j’ai chan­té. À Mul­ran­ny, com­me sur la pén­in­su­le de Dingle ou je suis allée lors de mon second voya­ge, j’ai pris le vent dans la gueu­le (pas d’autres mots), je me suis fai­te trem­pée par la pluie froi­de, cing­lan­te. J’ai pleuré d’é­mo­ti­on devant la beauté, la sau­va­ge­rie, l’hos­ti­lité de la natu­re et du cli­mat… Vous l’au­rez com­pris, j’ai­me l’I­r­lan­de… Après je suis bre­ton­ne, ceci expli­que peut-être cela …

En Irlande

Vot­re second roman se dérou­le-t-il aus­si « ailleurs » ?

NON ! Et c’est tout, je n’en dirai pas plus 😉

(flû­te !)

Depuis quand écri­vez-vous des histoires ?

Depuis un peu plus de trois ans… Je dus noi­r­cir des pages pour la pre­mi­è­re fois en fac de psy­cho, plus pré­cisé­ment en mai­tri­se pour mon mémoi­re. Cela n’a pas été un long fleu­ve tran­quil­le, mais c’est là que j’ai pris le goût de manier les mots. Et puis, c’est peut-être aus­si dû à mon mai­tre de mémoi­re qui durant la sou­te­nan­ce m’a dit : « Agnès, vous êtes fai­te pour écri­re ». C’est la pre­mi­è­re fois que je racon­te cet­te ane­cdo­te. Je dois me sen­tir bien chez vous… 🙂

Sou­ri­re !

Ens­ui­te, j’ai exe­r­cé ma pro­fes­si­on… Et puis, j’ai pris un congé paren­tal. Com­me je le disais, la mater­nité m’a épa­nou­ie, et je me suis sen­tie le coura­ge de me lan­cer dans cet­te aven­tu­re un peu fol­le qu’est l’é­cri­tu­re. À cet­te épo­que, j’a­vais envie de racon­ter des his­toi­res, et cel­le de Les gens est apparue…

Etes-vous sou­vent tou­chée, émue, par le talent des autres ? Y a‑t-il des per­son­nes (artis­tes ou autres) qui vous ont fait pous­ser de vrais « Ouaaah » d’admiration ?

Modig­li­a­ni, je suis fas­cinée par ses toi­les, ses visa­ges, ses corps, ses yeux. Mat­hew Bel­la­my, chan­teur de Muse, qui me met dans tous mes états, je res­sens une mul­ti­tu­de d’é­mo­ti­ons lorsque je l’en­tends. Mais un monu­ment, un paysa­ge peut aus­si m’é­mou­voir au point de pleu­rer. En lit­téra­tu­re, si je dois choi­sir un livre c’est Le Voya­ge de Théo de CLEMENT Cather­i­ne. Après, la vie en général va m’é­mou­voir. Cha­cun a son talent, sa façon de l’exprimer …

Et si vous étiez.…

une cou­leur :

bleu pour mon amour de la mer, et noir pour tout le reste

Une actri­ce :

moi. De ma pro­p­re vie

Un livre :

les con­tes de Grimm

Un moy­en de locomotion :

l’a­vi­on

une régi­on française :

la Bret­ag­ne

Des bon­bons :

les dra­gi­bus

un film :

Oh c’est dur, alors j’en mets deux : Le Fabu­leux des­tin d’Amé­lie Pou­lain et Love actu­al­ly

Nous som­mes en Jan­vier, enco­re dans les temps pour se lais­ser aller au ritu­el des vœux, Que pour­rait-on vous sou­hai­ter pour 2014 ?

Euh… Vu le temps que je mets à répond­re à vos que­s­ti­ons, cel­le-ci est un peu périmée 😉

Mais bon, qu’est-ce que j’au­rais le droit de sou­hai­ter cet­te année ? Jus­te de pou­voir con­ti­nu­er à écri­re, à ren­con­trer mes lecteurs, et puis, le res­te et le plus impor­tant com­me pour tout le mon­de, la san­té, des p’tits bon­heurs et un peu de soleil …

Mer­ci pour ce très bon moment passé en vot­re compag­nie, Agnès 🙂

Agnès Martin-Lugand

À la fin de cet­te péri­o­de passée à échan­ger, je vou­lais remer­cier Auré­lie pour sa patien­ce face à la lon­gueur de mes répon­ses, je me suis laissée dépas­ser par mon quo­ti­dien, et j’ai été bien lon­gue, trop lon­gue à cha­que fois, j’en suis désolée. Je me suis inter­ro­gée sur le pour­quoi du com­ment… en reli­sant tou­tes ces lig­nes, je me suis dit que mine de rien, Auré­lie nous fai­sait nous dévoi­ler davan­ta­ge que n’im­por­te qui d’aut­re… je rebon­dis sur un de nos échan­ges pré­cé­dents sur notre inca­pa­cité à nous regar­der… Eh bien Auré­lie, Féli­ci­ta­ti­ons, vous arri­vez à nous met­tre à table, à don­ner de nous et de notre inti­mité dans vos inter­views, sans y paraî­t­re et avec beau­coup de sub­ti­lités ! C’é­tait un vrai plaisir…

Agnès Mar­tin-Lug­and