Eric Neirynck

“Aimez-moi, déte­stez-moi, mais lisez-moi !” (Eric Neirynck)

Serge Gainsbourg, No comment
Ser­ge Gains­bourg, No comment

Auré­lie Gail­lot : Bon­jour Eric, com­ment vas-tu là, au moment même où tu com­men­ces à répond­re à mes questions ?

Eric Nei­rynck : Je vais com­me je peux, des hauts et des bas. Je vis, je sur­vis com­me le com­mun des mortels…

Il me sem­ble pour­tant que le com­mun par­fois — sou­vent — va mieux que toi. Cet­te sen­si­bi­lité là, for­te, si for­te — déva­s­ta­tri­ce par instant — elle est tel­le­ment à dou­ble tran­chant… Que de souf­fran­ce elle impose…

Mais c’est sûre­ment grâ­ce — et à cau­se d’elle, que tu exis­tes toi, Eric Nei­rynck, en tant qu’artiste. Si tu pou­vais reprend­re ta vie au début et qu’on te la pro­po­sait avec ou sans sen­si­bi­lité (ou jus­te le mini­mum habi­tu­el), tu pren­drais avec ou sans ?

Eric Neirynck

Je pren­drais la vie avec un mini­mum de sen­si­bi­lité, jus­te la capa­cité d’aimer sim­ple­ment les cho­ses simples.

Je te remer­cie d’a­voir accep­té avec autant de spon­tanéité et de gen­til­les­se mon invi­ta­ti­on sur cet­te page. Eric Nei­rynck est-il gentil, d’ail­leurs ? (j’ai bien sûr ma peti­te idée là-des­sus mais je suis là pour poser des que­s­ti­ons, pas pour y répondre ;-))

.….….….

Sou­ri­re ! je sup­po­se que même en insis­tant, je n’aurais pas de réponse…

J’ai été sou­vent trop gentil, un peu con même, mais that’s life 🙂

“Demain si je mon­t­re ma queue sur ce mur j’au­rai 100 j’ai­me (non je ne suis pas pré­ten­ti­eux, quoi­que 🙂 ), par con­t­re quand je par­le lit­téra­tu­re rien, nada …” (Eric Nei­rynck sur Face­book, le 8 novem­bre 2012)

Par­lons lit­téra­tu­re, alors … De ton livre, Face­book mon amour !… Peux-tu nous livrer aujour­d’­hui, avec le recul, ton impres­si­on sur ce texte ?)

Eric Neirynck,-Facebook, mon amour !
Eric Neirynck,-Facebook, mon amour ! (Édi­ti­ons Omri Ezrati)

Le recul je l’ai depuis un bout de temps vu qu’il s’agit d’une réé­di­ti­on d’un livre déjà paru début 2011.

Cool. Et alors, ça don­ne quoi, de loin ?

Face­book, mon amour ! , même s’il m’a per­mis d’être édité (pour info, c’est un édi­teur qui est venu me deman­der mes tex­tes après les avoir lus sur Face­book), ne repré­sen­te plus ce que je suis main­te­nant. Disons que je l’ai écrit à une cer­tai­ne péri­o­de de ma vie, il est ce que j’étais au moment où les tex­tes ont été écrits. Si je devais lui don­ner une note je lui don­ne­rais 6/10 — peut mieux fai­re 🙂 L’écriture y est rete­nue, alors que main­te­nant je me lais­se com­plè­te­ment aller. Au dia­ble les tabous !

En ce moment, tu écris quoi ?

J’ai deux pro­jets de livre mais com­me ils ne sont pas finis et les con­trat pas sig­nés, je préfè­re ne pas trop en parler.

J’ai ima­giné, en pen­sant à toi, un nua­ge de mots … Y’en a‑t-il que tu sou­hai­tes commenter ?

Nuage de tags

D’a­bord Gains­bourg, mon père spi­ri­tu­el. C’est le seul qui m’ait tou­jours accompag­né dans les bons et les mau­vais moments de ma vie. Je l’aime.

Fan­te et Bukow­ski indis­so­ci­a­bles l’un de l’autre pour moi. Deux réfé­ren­ces. Dont l’un (Fan­te) est d’ailleurs à la base de l’envie d’écrire de Bukowsi.

Le res­te : le sexe, l’amour, la dou­leur, les fem­mes, c’est la vie, rien de très extraordinaire.

Luchi­ni c’est une mag­ni­fi­que ren­con­t­re avec un hom­me d’une gran­de simplicité.

La pro­vo­ca­ti­on, évi­den­te quand on aime Gains­bourg et Bukowski.

À ta lis­te je rajou­te­rai Jona­than Coe, auteur et per­son­ne for­mi­da­ble avec qui j’ai eu l’oc­ca­si­on de pas­ser un long moment à dis­cu­ter de nos pro­jets d’au­teurs. Inoubliable.

Jona­than Coe … Par quoi com­men­cer pour le lire ?

Tes­ta­ment à l’Anglaise sans hésitation

Pen­ses-tu que l’é­cri­tu­re puis­se être une pul­si­on (ou une répon­se à une pul­si­on), par exem­ple cel­le de ten­ter d’ac­cou­cher de soi…

Je ne pen­se pas, je ne me suis d’ailleurs jamais posé la question.

Ça t’embête de répond­re ? Est-ce que ça t’embête d’al­ler fou­il­ler dans les sous ‑cou­ches de ton être ? Serais-tu du gen­re à met­tre des cou­ver­cles sur tout ce qui serait suscep­ti­ble de te poser que­s­ti­on ? Eric Nei­rynck est-il une jux­ta­po­si­ti­on de cou­ver­cles posés les uns sur les autres, les uns après les autres, année après année ?

Ah si tu peux me dire qui est Eric Nei­rynck, je serais le plus heu­reux des hom­mes. Qui suis-je? Je cher­che encore …

La pre­mi­è­re fois que tu as écrit pour racon­ter des his­toi­res, c’é­tait quand, c’é­tait quoi ?

La légen­de veut que j’aie com­men­cé à écri­re des petits poè­mes pour mes peti­tes amies de l’époque lorsque j’avais dou­ze ans. En fait je crois que j’ai tou­jours vécu avec des his­toi­res dans ma tête, j’ai tou­jours cher­ché à vivre aut­re cho­se, autre­ment. D’où mes cinq ans d’art dra­ma­ti­que et mes quel­ques années passées sur quel­ques scè­nes belges.

Je ne sais pas si l’écriture est une pul­si­on ou aut­re cho­se. Je sais jus­te que par moment une idée me vient et les mots noi­r­cis­sent des feuil­les blan­ches. Je serais bien inca­pa­ble d’expliquer le pour­quoi du com­ment de mon écri­tu­re. Je ne recher­che rien, jus­te à expri­mer mes sen­ti­ments. Sans dou­te sont-ils trop lourd pour que je les gar­de en moi ? Qui sait ?

Je n’ai pas de sty­le par­ti­cu­lier, d’ailleurs pour être hon­nê­te cet­te his­toi­re de sty­le me fait pro­fon­dé­ment chier. On écrit bien ou pas, les gens aiment ou pas. Tout ça est très subjectif.

Pas­ser du temps sur une phra­se ou un mot ne m’intéresse pas. J’écris rapi­de­ment et par épi­so­de. Par­fois je peux rester des jours sans pond­re une seu­le lig­ne sans aucun man­que ou regret.

Mon grand défaut, j’ai beau­coup de mal à me reli­re. Ce qui fait que j’ai ten­dan­ce à envoy­er des tru­cs bour­rés de fau­tes. Une for­me de fai­néan­ti­se que j’assume. De tou­te façon, je n’attends rien, je n’espère rien. Qui vivra ver­ra… putain là je com­men­ce à fai­re dans les banalités …

Suis d’accord… Un peu faci­le, le rôle du mec blasé… C’est cer­tain que c’est le plus faci­le à jou­er pour un fainéant…

Blasé oui en gran­de par­tie. A qua­ran­te balais j’ai vécu tou­tes les cho­ses que j’avais envie de vivre. A 16 ans je m’étais fait une sor­te de plan­ning de ma vie et les objectifs ont lar­ge­ment été dépassés, donc main­te­nant c’est du bonus.

Un état qui ne peut lais­ser indif­fé­rent; des gens plus âgés que toi ont enco­re plein de cho­ses à réa­li­ser, à vou­loir… Cet état vient-il des faci­lités maté­riel­les que tu as eues durant ton enfan­ce ? La pos­si­bi­lité de réa­li­ser tou­tes tes envies grâ­ce à l’argent ? Ou serais-tu capa­ble d’identifier aut­re cho­se (de l’ordre d’un cer­tain déses­poir, par exem­ple ?) . J’ai l’impression de tou­r­ner autour de toi et de ne pas par­ve­nir à iden­ti­fier qui tu es, Eric… (note pour le lecteur : cet­te remar­que était fai­te en cours d’in­ter­view, elle ne repré­sen­te donc pas ce que je pen­se de mon échan­ge avec Eric au moment de la mise en page. )

Par­le-moi de ta famille…

Une enfan­ce heu­reu­se maté­riel­le­ment, pour le res­te … Main­te­nant j’ai six enfants, j’ai été marié deux fois. Mon plus grand à 20 ans, mon plus petit 2 ans. C’est une sor­te de bon­heur. Mais qu’est-ce que le bon­heur ? Pour moi impos­si­ble d’y répond­re. Je ne suis jamais satis­fait, je dou­te en per­ma­nen­ce. Je sais ça se soig­ne, j’ai essayé mais les quel­ques per­son­nes que j’ai ren­con­tré pour m’aider ont préféré lais­ser tom­ber, trop de travail …

Il parait que le bon­heur est un état. Accep­ter sim­ple­ment qu’il ne soit pas con­stant serait le début d’une cer­tai­ne libéra­ti­on. Il parait aus­si que le dou­te est béné­fi­que.. Il parait tel­le­ment de cho­ses qu’on ne sait plus par­fois à quel saint se vou­er… Crois-tu en Dieu ou en un con­cept du même style ?

En vieil­lis­sant la que­s­ti­on d’un après com­men­ce à ce poser. Alors Dieu ou aut­re cho­se je ne sais pas. J’ai jus­te envie de croi­re qu’il y a un après…

Tu fais des chro­ni­ques sur La Cau­se lit­térai­re, tu écris des nou­vel­les, tu écris un roman; dirais-tu que tu écris trop, ou pas assez ? As-tu par­fois envie d’envoyer bala­der l’é­cri­tu­re, d’ailleurs ?

Ce n’est pas l’envie d’écrire que j’ai envie de bala­der, mais plutôt l’envie de publier.

“Mon man­que de con­fi­an­ce me tue­ra.” Eric Nei­rynck sur Face­book le 14 Novem­bre 2012

Il se situe où, ce man­que là ?

Dans cha­que ges­te, dans cha­que pen­sée, dans cha­que minu­te de ma vie.

Eric Neirynck, Vincent Bernard, Le quadra génère ses propres angoisses
Eric Nei­rynck, Vin­cent Ber­nard, Le qua­dra génè­re ses pro­p­res angois­ses. Tit­re paru chez Edicool

Tu fais quoi au nou­vel an ?

En famil­le au restau­rant, rien de spécial…

Tu ren­con­tres tes lecteurs lors de mani­fe­sta­ti­ons lit­térai­res. Qu’aimes-tu dans ce face à face ?

En fait je ren­con­t­re très peu mes lecteurs. J’éprouve un pro­fond mal être par rap­port à cet­te rela­ti­on. JE ne com­prends pas ce que les gens me trou­vent de spé­ci­al. J’aime le con­tact humain c’est vrai mais dans une cer­tai­ne limite.

Grand lecteur, si tu devais nous orien­ter vers cinq livres ?

Pour moi si tu as lu quel­ques clas­si­ques, sty­le Mada­me Bova­ry c’est une bon­ne base, mais ce n’est pas indis­pen­sa­ble. Pour le res­te, c’est sim­ple il faut lire Post Offi­ce (Le Pos­tier) de Char­les Bukow­ski, his­toi­re de com­prend­re que la lit­téra­tu­re est vivan­te et que la lan­gue évolue.

Donc je dirais:

  • Mada­me Bovary
  • Post Offi­ce — Bukowski
  • Ask the dust (Deman­de à la pous­si­è­re) John Fante
  • Apo­lo­gie de la vian­de et Moins qu’une pute de Régis Clinquart
  • et Sagan, Sar­t­re, Duras, Tou­ssaint, Schuhl, Levé, Paca­dis, B. S. Jonhson …
Les Dix, Historietas
Retrou­vez Eric dans la col­lecti­on His­to­rie­tas parue chez Edicool.

Dirais-tu que tu aimes les gens, de mani­è­re générale ?

Para­dox­a­le­ment les gens me font peur. Je suis d’ailleurs un peu parano …

Eric … Voi­là trois semai­nes que nous échan­ge­ons … J’ai eu l’im­pres­si­on de tou­r­ner autour de toi sans trou­ver l’en­trée … l’en­vie m’a pri­se en cours de rou­te d’al­ler te flan­quer la tête dans l’eau pour te fai­re par­ler, ou – plus sim­ple – de balan­cer tout ça à la pou­bel­le. Mais fina­le­ment, j’ai l’im­pres­si­on qu’on est arri­vé quel­que part et c’est plutôt pas mal, com­me endroit, ça ne lais­se pas indif­fé­rent, ça me plait même carrément.

Pour moi, l’interview est ter­minée 🙂 Mer­ci beau­coup, Eric … (Je n’ai pas vol­on­tai­re­ment com­men­té cer­tai­nes de tes répon­ses, même si je suis sen­si­ble à la teneur de la plu­part, mais je trou­ve que tout est là, pas besoin d’en dire plus en ce qui me concerne.

Aux lecteurs de com­men­ter éven­tu­el­le­ment ou sim­ple­ment, de rece­voir l’ampleur de ce qui se pose der­ri­è­re tes mots.)

Pour en savoir davan­ta­ge sur Eric, retrou­vez-le dans sa bio et sur dif­fé­rents sites :

Et sur­tout, ne lou­pez pas la der­ni­è­re nou­vel­le éro­ti­que d’E­ric, dans le recu­eil de fin d’an­née des Dix :

Les Dix font le … sapin
Pour Noel, une édi­ti­on fes­ti­ve des aven­tu­res des Dix qui feront le … sapin

Auré­lie G.