Philippe Jaenada

Oh l’amoooour…

Philippe Jaenada au Salon du livre en Bretagne 2012

 

Auré­lie Gail­lot : Que fai­siez-vous de vot­re vie, avant l’écriture, Phi­lip­pe Jaenada ?

Phi­lip­pe Jae­na­da : Pas grand-cho­se, en fait. Pour­tant, on ne peut pas dire qu’écrire ait été un gen­re de rêve d’enfant, loin de là. C’est venu vrai­ment sur le tard, petit à petit, l’air de rien. J’ai fait des étu­des plutôt scien­ti­fi­ques, j’en ai eu mar­re, je me suis tou­r­né à 20 ans vers une éco­le de ciné­ma, j’en ai eu mar­re aus­si, je n’avais plus envie de rien en par­ti­cu­lier, donc pour gag­ner un peu d’argent, j’ai fait ani­ma­tri­ce de mini­tel rose (je suis le pre­mier en Fran­ce, donc le pre­mier, la pre­mi­è­re au mon­de, et je n’en suis pas peu fier). Ens­ui­te, dans la même boî­te, pour me chan­ger les idées, j’ai écrit de faus­ses let­tres de cul dans de peti­tes revues du même nom (de cul, je veux dire) gen­re cour­rier des lec­tri­ces chau­das­ses. Puis, mais tou­jours sans me dire que j’écrirai aut­re cho­se un jour, j’ai rédigé quel­ques his­to­riet­tes à l’eau de rose (au miel de rose, je devrais dire) dans Nous deux, des tes­ts pour Marie-Clai­re (du sty­le « Quel gen­re de gour­man­de êtes-vous ? »), et tra­d­uit des romans de gare pour J’ai Lu, plein. Un jour j’ai eu envie d’écrire un petit truc pour moi, quand même, une nou­vel­le, deux, trois. La qua­triè­me, plus lon­gue que les autres, est fina­le­ment deve­nue le début d’un roman, Le cha­meau sau­va­ge.

 

“Je ne sais pas com­ment il faut agir quand on est amou­reux. Atten­dez. (Je n’ose même pas son­ger à ce qu’il fau­dra fai­re ens­ui­te, quand nous for­me­rons CE COUPLE dont je rêve depuis tant d’années (que dire pen­dant qu’on dîne à deux dans la cui­si­ne ? (« Qu’est-ce que tu as fait aujour­d’­hui ? A peu près par­eil qu’hier ? », « Figu­re-toi qu’on a reçu la fac­tu­re EDF, c’est la même que d’habitude gros­so modo », « Il est bon, ce melon, tu sais vrai­ment bien les choi­sir », « Tu ne dis pas grand-cho­se, ça va ? ») Com­ment réa­gir si un soir elle a envie de se cou­cher plus tôt que moi ? (Regar­der la télé ?) Com­ment trou­ver des tru­cs ori­gi­naux pour con­ti­nu­er à bai­ser de mani­è­re eni­vran­te et spec­ta­cu­lai­re au-delà d’un mois? (Tren­te jours, à rai­son de deux fois par jour, ça fait soi­x­an­te fois, il y a tout de de même de quoi se las­ser (déjà, après cinq ou six, j’ai du mal à gar­der mon ent­hou­si­as­me ini­ti­al…) – alors cent fois, huit cents fois, trois mil­le fois ? Non, je n’arriverai jamais à l’intéresser trois mil­le fois.

Com­ment ne pas se cog­ner quand on veut pas­ser en sens inver­se par une même por­te d’appartement ? Où se met­tre quand elle pas­se l’aspirateur ? A quel moment pas­ser l’aspirateur pour ne pas trop la déran­ger ?” (Phi­lip­pe Jae­na­da, Néfer­ti­ti dans un champ de can­ne à suc­re)

 

Dans vos livres l’homme, est sou­vent très hési­tant devant la fem­me, presque défé­rent, cher­chant avant tout à ne pas lui déplai­re. Pour­quoi cet­te attitude ?

D’u­ne part par­ce que je suis un peu com­me ça dans la vie (pas spé­ci­a­le­ment face aux fil­les, face à tout et tout le mon­de – en vrai, je suis un cador avec les fil­les, sous mes airs de plouc pataud), ce n’est quand même pas faci­le : ren­con­trer quel­qu’un, se trou­ver sou­dain en face de quel­qu’un qu’évidemment on ne con­naît pas (je ne par­le pas seu­le­ment des pre­mi­è­res fois, des pre­miers instants : il faut plu­si­eurs années pour con­naî­t­re le quart de qui que ce soit), c’est un peu com­me débar­quer dans un pays étran­ger loin­tain. Si vous tom­bez du ciel en plein mil­ieu de la Corée du Sud ou de Zan­zi­bar, vous n’allez pas vous met­tre à sif­flo­ter dans les rues, natu­rel­le et légè­re, et à tapo­ter l’épaule des pas­sants com­me de vieux potes, si ? D’aut­re part, j’appuie un peu ces incer­ti­tu­des et ces mala­dres­ses dans mes livres, par­ce que c’est un bon res­sort comi­que. Et puis accen­tu­er, sou­lig­ner les cho­ses, ça per­met tou­jours de mieux les voir, d’aller cher­cher plus de détails en profondeur.

 

Vous inté­res­sez-vous à l’actualité — en général ou en par­ti­cu­lier — ou vivez-vous sur une aut­re planè­te, près de vot­re fem­me, vot­re fils et vos livres ?

Les deux, je dirais. Avec les techni­ques moder­nes (tran­sis­tors, pos­tes de télé­vi­si­on), on peut s’intéresser à l’actualité depuis chez soi. Mais bon, séri­eu­se­ment, c’est vrai que je m’intéresse à l’actualité plutôt en dilet­tan­te, en ama­teur (com­me on regar­de le bul­le­tin météo, disons), jus­te pour avoir une sor­te d’écho du mon­de dans notre grot­te. Car oui, nous vivons un peu en vase clos, ma fem­me, notre fils et moi. Et ça nous va très bien com­me ça.

 

Racon­tez-nous vot­re petit mon­de à vous, quand vous écri­vez. Le cad­re, l’ambiance, vot­re état d’esprit…

Pen­dant près de vingt ans, j’ai écrit la nuit. Je me met­tais à mon bureau vers minuit, minuit et demie, je com­mençais à écri­re vers 1h, et je m’arrêtais à 6h30. J’étais per­su­adé, pour avoir essayé quel­ques fois en vain, qu’il m’était impos­si­ble d’écrire le jour, avec la lumi­è­re et le bruit dehors, la sen­sa­ti­on du temps qui pas­se (alors que la nuit, non), les éven­tu­els coups de télép­ho­ne ou irrup­ti­ons de mon fils dans mon bureau. Et puis au début de l’année, j’ai changé, d’un seul coup. La nuit, ça n’allait plus. Je com­mençais à avoir la flem­me, je me met­tais à tra­vail­ler de plus en plus tard, à 2h30 ou 3h, donc j’écrivais de moins en moins, et puis je n’ai plus tout à fait 26 ans, je dor­mais mal la jour­née, j’étais fati­gué. Et enfin, sor­tir de chez soi à 17h, en hiver, c’est ne pas voir du tout la lumi­è­re du jour. Il faut un moral d’acier, de bam­bin désin­vol­te, pour rester pim­pant quand on ne vit que dans la pénom­bre pen­dant qua­t­re mois. Donc hop, j’ai inver­sé mon rythme. Et de mani­è­re sur­pre­nan­te, ça a mar­ché. Au début, il a fal­lu quel­ques arti­fi­ces, je fer­mais mes volets, j’allumais une bou­gie, je cou­pais le télép­ho­ne. Pen­dant un peu plus d’un mois. Main­te­nant, je me suis habi­tué, ça va, j’écris même mieux que la nuit. Donc voi­là, je me réveil­le vers 9h30, je me mets à écri­re à 10h30, jusqu’à 13h30, puis je sors déjeu­ner, je me remets devant l’ordinateur à 15h30, jusqu’à 18h30. Je tra­vail­le dans un bureau (où j’ai un lit, dans lequel je dors par­fois pour ne pas gêner ma fem­me si elle a des tru­cs à fai­re dans notre cham­bre le matin (elle se lève tôt)), mon ordi­na­teur est sur une table en bois, en face d’une gran­de bibli­ot­hè­que plei­ne, une fenê­t­re est à ma gau­che, par laquel­le je vois le Sacré Cœur.

 

“Ne pas m’approcher à moins de deux mètres de mon vélo d’appartement, dont le guid­on est tou­r­né vers mon bureau depuis 1996 com­me les cor­nes d’un tau­reau para­lysé, ça m’évitera de pen­ser en bou­cle à des tru­cs idi­ots en tou­r­nant les jam­bes com­me un for­cené, suant et gri­maçant.” (À pro­pos de Jae­na­da — Maga­zi­ne Elle)

 

Pre­nez-vous par­fois de bon­nes résolutions ?

Très rare­ment (par exem­ple arrê­ter la biè­re, je me suis juré ça le mois der­nier (par­ce que j’ai un gros ven­t­re, main­te­nant), ou ne plus m’énerver quand ma fem­me pas­se l’aspirateur sur la même lat­te de plan­cher pen­dant deux heu­res et quart), et je ne les tiens jamais (j’ai repris la biè­re il y a trois semai­nes, rien de meil­leur), je ne les tiens d’ailleurs pas plus (ça équi­li­b­re) que les mau­vai­ses, com­me cel­le que j’avais pri­se dans Elle : je viens à l’instant de des­cend­re de mon vélo d’appartement (je suis en sueur, c’est horrible).

(Rire !)

 

Pour­quoi écri­vez-vous, Phi­lip­pe Jaenada ?

Alors là, mys­tè­re et bou­le de gom­me. Je me suis posé huit cents fois la que­s­ti­on, sans rien me répond­re d’intelligent (ça me vexe), donc j’arrête. Disons, assez sim­ple­ment, que je crois que j’écris pour la même rai­son qu’on paie un coup à boi­re. Ça me tou­che tou­jours quand on me paie un ver­re, donc j’en off­re aus­si par­fois. J’ai passé tant d’heures for­mi­da­bles, ému­es, amusées, impor­tan­tes, dans mon lit avec des livres d’auteurs que je ne pou­vais pas et ne pour­rais pour la plu­part jamais remer­cier, que je me dis que la moind­re des cho­ses est d’essayer de par­ti­ci­per, de rend­re un peu ça, com­me je peux, à d’autres per­son­nes à défaut d’eux, pour continuer.

 

Vous êtes écri­vain. Par­tant de l’idée que vous pour­riez écri­re n’importe où, pour­quoi vivez-vous à Paris ? Etes-vous ce qu’on pour­rait appe­ler un pari­sien dans l’âme ?

On peut m’appeler com­me ça, oui. Mais pour la vie en général, pas pour l’écriture. Je ne sais pas si c’est par­ce que je suis timi­de, ou mal à l’aise en socié­té, ou un truc de ce gen­re, mais je sais (ce n’est pas un mot en l’air) que je ne pour­rais vivre nul­le part ail­leurs qu’à Paris. Par­ce que j’aime cet­te vil­le, mais aus­si par­ce que j’y suis habi­tué, adap­té, c’est mon mil­ieu natu­rel. Ail­leurs, je me sens très exacte­ment com­me une trui­te dans la forêt. On pour­rait me dire : « Mais une aut­re gran­de vil­le, gen­re Mar­seil­le ou New York, ça devrait aller… » Mais non. Pas plus qu’une trui­te ne pour­rait vivre dans l’Atlantique ou en Médi­ter­ranée – c’est de l’eau, pour­tant (mais pas la même). En revan­che, pour ce qui est de l’écriture, c’est dif­fé­rent. Je crois que je pour­rais effecti­vement écri­re n’importe où. J’ai même long­temps pen­sé que je ne pou­vais écri­re qu’en dehors de Paris. Par­ce qu’il y a trop de cho­ses que j’aime à Paris, trop de dis­tracti­ons de tou­te sor­te (des bars de tous les côtés), ça détour­ne de l’écriture. Pour mes trois pre­miers livres, je suis allé m’enfermer trois mois cha­que fois dans un vil­la­ge désert de Hau­te-Nor­man­die (Veu­les-les-Roses), en plein hiver, afin d’être cer­tain que rien ne me déran­ge­rait de mon tra­vail. Mais quand notre fils est né, je n’ai plus eu envie de m’éloigner et de m’isoler trois mois, ni même trois semai­nes. J’ai eu un peu peur, j’ai cru que je n’arriverai pas à écri­re à Paris. En fait, si. Il suf­fit de s’enfermer soig­neu­se­ment chez soi com­me si on était dans un petit vil­la­ge nor­mand en plein hiver. C’est une affai­re de vol­on­té, de concentration.

 

Dans La fem­me et l’ours, l’homme racon­te que — lorsqu’il avait vingt-cinq ans, il était  vol­on­tai­re­ment resté enfer­mé  plu­si­eurs mois dans son appar­te­ment, en quê­te d’un trai­te­ment de choc pour reve­nir ou pour venir à la vie. Vous dites que cet hom­me, c’est vous… Qu’avez-vous appris, à ce moment-là de vot­re vie ?

Oui, c’est très exacte­ment moi, ce pas­sa­ge de La fem­me et l’ours est qua­si­ment du docu­men­tai­re auto­bi­o­graphi­que. Je n’ai rien appris de spé­ci­al durant cet­te année d’enfermement, il me sem­ble, mais j’ai beau­coup évo­lué – changé de natu­re, je veux dire. J’étais insta­ble, fra­gi­le, poreux, un rien me fai­sait vacil­ler. En un an, une sor­te de cara­pa­ce s’est for­mée sur moi (je dirais bien « de croû­te », mais c’est cra­de), com­me de la mous­se sur un arb­re, ou plutôt (car ce n’est pas bien soli­de, la mous­se), com­me une coquil­le qui serait appa­rue sur une lima­ce (très chic). J’en suis res­sor­ti extrê­me­ment cori­a­ce, inde­structi­ble (je le jure), imper­méa­ble à tou­tes les mau­vais cho­ses – mais mys­té­ri­eu­se­ment, tou­jours per­méa­ble aux bon­nes. L’inconvénient, car il en faut un, c’est le jeu, c’est que ça m’a défi­ni­ti­vement han­di­capé pour la vie en socié­té, je suis deve­nu com­me inap­te, ours, sans pos­si­bi­lité de retour en arri­è­re. Tant pis, allez.

Ce clin d’œil à Néfer­ti­ti dans un champ de can­ne à suc­re, c’est par­ce que vous êtes aga­cé que l’on vous par­le de ce livre ? (J’ai lu un peu par­tout que beau­coup de vos lecteurs ont ce livre pour préfé­ren­ce… (Même s’ils ne lou­pent aucu­ne de vos sor­ties, par­ce qu’il sem­ble­rait que quand on a four­ré le nez dans vos écrits, on devien­ne un peu accroc quand même).

 

Et vous, par­mi vos livres, avez-vous une préférence ?

Ça ne m’agace pas du tout, au con­trai­re. Ça me fait plai­sir que vous disiez ça, car c’est un livre très par­ti­cu­lier pour moi, mais con­trai­re­ment à ce que vous avez « lu un peu par­tout », c’est un de mes livres qui s’est le moins ven­du. (Mais c’est vrai, en général, les gens que j’aime, avec qui je m’entends vrai­ment bien, le préfè­rent sou­vent aux autres.) On me par­le en revan­che beau­coup, beau­coup, du Cha­meau sau­va­ge, qui a eu qua­t­re ou cinq fois plus de lecteurs que les autres. Dire que ça m’agace, ce serait trop, mais, com­me d’ailleurs tous les romans qui ont un cer­tain succès, il me sem­ble que ce n’est pas tou­jours pour de bon­nes rai­sons. Il m’arrive de ren­con­trer des gens qui ont « a‑do-ré » Le Cha­meau sau­va­ge, et de me dire qu’on n’a presque rien en com­mun, que si on allait boi­re un ver­re ensem­ble, on n’aurait pas grand-cho­se à se dire. Avec mes romans qui ont moins bien mar­ché, c’est beau­coup plus rare. Quant à savoir si j’ai une préfé­ren­ce ent­re ceux que j’ai écrit, je vais vous fai­re la répon­se la plus cli­ché, la plus kitsch et plouc pos­si­ble, mais il y a tou­jours de la vérité dans les cli­chés plou­cs : c’est com­me si j’avais trois enfants et que vous me deman­diez celui que je préfè­re. J’ai un peu hon­te de fai­re cet­te com­pa­rai­son bateau, mais c’est vrai. Je les assu­me tous, ils sont tous aus­si impor­tants pour moi, pour des rai­sons différentes.

(Suis pas peu fiè­re sur ce coup-là que Néfer­ti­ti soit mon préféré)

Dans mes bras.

🙂

 

Il y a des pas­sa­ges dans vos tex­tes, tel­le­ment lou­fo­ques, géniaux, sidérants, que le lecteur ne peut que par­tir dans de grands éclats de rire. Vous arri­ve-t-il de vous fai­re rire vous-même lorsque vous écrivez ?

C’est très rare – il a dû m’arriver deux ou trois fois en quin­ze ans d’avoir un fou rire en écri­vant. Par­fois, je sou­ris, mais pas beau­coup. En fait, j’essaie (péni­ble­ment) de don­ner l’impression que tout est écrit de mani­è­re flui­de et rapi­de, com­me on par­le, mais ce n’est pas du tout le cas, je suis assez labo­ri­eux, je pas­se des siè­cles sur une phra­se cen­sée fai­re rire, sur un pas­sa­ge que j’espère drô­le. Du coup, bien sûr, je ne rigo­le pas trop, de mon côté. (Le front plissé, les sour­cils fron­cés, les mains moi­tes, la lan­gue sor­tie sur le côté, ça fait un peu oublier d’éclater de rire.)

 

Vous sem­blez n’avoir pas de limi­tes, dans vot­re écri­tu­re. Vous arri­ve-t-il pour­tant de vous reli­re et de vous dire que « Non, là, c’est trop… » et d’effacer ?

Oh oui, sou­vent. L’humour ou ce qui s’en appro­che, c’est très déli­cat, c’est une que­s­ti­on de pré­ci­si­on, d’équilibre : un gram­me de trop, un cen­timè­t­re de pas assez, et ça ne fait pas rire. (C’est pour ça que j’ai cet­te tête de lour­daud con­cen­tré quand j’écris.) Donc for­cé­ment, par­fois, ça tom­be un peu à côté, sans qu’on ait tou­jours la pos­si­bi­lité de s’en rend­re comp­te en écri­vant. Je relis tou­jours beau­coup, et il m’arrive fré­quem­ment d’enlever une pseu­do — « bla­gue » qui tom­be à plat. Il m’arrive aus­si d’en lais­ser, malheureusement.

 

Vot­re pre­mier livre, Le cha­meau sau­va­ge est deve­nu à l’é­cran A+Pollux. D’après vos dires, une expé­rien­ce à la fois dérou­tan­te et posi­ti­ve… Y a t‑il d’autres pro­jets de ce type ?

J’aime beau­coup le ciné­ma, mais je suis farou­che­ment con­t­re les adap­ta­ti­ons de livres au ciné­ma. (Est-ce que je prends des piè­ces de théâ­t­re ou des films pour les adap­ter en livres, moi ? Qu’ils se cher­chent leurs his­toi­res tout seuls.)

(C’est pas faux)

Le Cha­meau sau­va­ge, j’avais accep­té pas mal par vanité (mon nom au géné­ri­que !), un peu aus­si par­ce que j’avais besoin d’argent. Ens­ui­te, j’ai tou­jours refusé, je me suis même appli­qué à écri­re des livres dont j’espérais qu’ils ne serai­ent pas adap­ta­bles. Mais avec le pro­chain, ce n’est pas par­eil. Je ne par­le pas de moi, je par­le d’un jeu­ne hom­me qui a exis­té, Bru­no Sulak. Et si je par­le de lui, c’est que j’ai envie qu’on le con­nais­se, qu’on se sou­vien­ne de lui. Donc là, je ne pour­rai pas refu­ser une éven­tu­el­le adap­ta­ti­on, puisque ça va dans le même sens. Si ça se fait, je serai même con­tent pour lui.

 

Philippe Jaemada, Sulak

Qui est Bru­no Sulak ? Com­ment vous est venue l’envie d’écrire à son propos ?

Bru­no Sulak est un gang­ster des années 80, qui a été pen­dant quel­ques années l’ennemi public n°1, qui fai­sait la une de tous les grands jour­naux, et qui est aujour­d’­hui com­plè­te­ment oublié, ou presque. Il était intel­li­gent, beau, drô­le, auda­ci­eux, doué pour tout, gentil, sans une once de vio­len­ce, et il est deve­nu, par hasard, le plus grand bra­queur de bijou­te­ries du XXe siè­cle. Il est mort jeu­ne, à 29 ans, dans des cir­con­stan­ces qui sont enco­re trou­bles aujourd’hui. J’avais 20 ans quand il est mort, mais je ne me sou­ve­nais plus de lui. Il y a deux ans, je suis tom­bé sur un docu­men­tai­re sur son his­toi­re, une nuit, sur une chaî­ne du câble. Ça m’a tou­ché et inté­ressé, je suis allé cher­cher un peu sur le net, puis, petit à petit, j’ai ren­con­tré des mem­bres de sa famil­le, sa fil­le, sa sœur, la jeu­ne fem­me qu’il aimait (qui était aus­si sa com­pli­ce), ses anciens amis, du moins ceux qui sont enco­re vivants (il n’en res­te pas des ribam­bel­les), le com­mis­sai­re qui lui cou­rait après… J’ai fait une sor­te d’« enquê­te » pen­dant huit mois (j’ai adoré ça), puis je me suis mis à écri­re, un gen­re de bio­graphie lit­térai­re – bio­graphie par­ce que je me suis atta­ché à respecter scru­pu­leu­se­ment les faits, la vérité, et lit­térai­re par­ce que, bon, j’espère que dans le sty­le, la con­structi­on, la nar­ra­ti­on, il y a un peu de littérature…

En dehors du tra­vail de recher­che (qui a dû être effecti­vement pas­si­on­nant), ce tex­te a‑t-il été une sor­te d’exercice de style?J’imagine qu’il est moins évi­dent de glis­ser de l’humour dans une his­toi­re som­me tou­te séri­eu­se et que c’est un Jae­na­da un peu dif­fé­rent que nous lirons ?

Exe­r­ci­ce de sty­le, je ne dirais pas ça (ça fait un peu « fan­tai­sie pour se détend­re »), c’était un tra­vail, long et dif­fi­ci­le mais inté­res­sant. Car effecti­vement, ça ne res­sem­ble pas, ça ne peut pas res­sem­bler, à mes autres romans. Non seu­le­ment par­ce que lorsque je par­le de moi (de « ver­si­ons de moi », disons plus jus­te­ment), j’ai tou­te la liber­té que je veux, alors qu’avec Sulak, je me suis atta­ché à respecter très scru­pu­leu­se­ment, du moins autant que pos­si­ble à tren­te ans d’intervalle, la vérité his­to­ri­que ; mais aus­si par­ce que ce que les gens trou­vent « drô­le », en général, dans mes livres, est sur­tout basé sur de l’autodérision, un côté absur­de des réflex­i­ons du per­son­na­ge, sa timi­dité, ses erreurs, mala­dres­ses, crain­tes et coups de pois­se – or bien sûr, je ne me suis pas amusé à fai­re de la déri­si­on avec Bru­no Sulak (il n’offre pas de pri­ses pour ça), et sa cour­te vie est tout ce qu’on veut sauf une succes­si­on de mala­dres­ses et d’erreurs comi­ques. Mais je ne vou­lais pas pour autant écri­re une bio­graphie. Pour en fai­re un « objet lit­térai­re », je n’ai donc pu comp­ter que sur la con­structi­on (il y a pas mal de dig­res­si­ons, sur ce qui arri­ve en paral­lè­le à d’autres per­son­na­ges de l’histoire, ou sur des évè­ne­ments qui se sont déroulés à la même épo­que) et sur la mani­è­re d’écrire, de racon­ter – donc un peu le sty­le, oui.

 

 

“J’ai­me Pim­pre­nel­le, je ne suis sur ter­re que pour elle, ce que je sou­hai­te avec le plus de sin­cé­rité dans la vie c’est qu’el­le n’ait pas mal, ou du moins pas trop long­temps, j’ai­me aus­si Oscar par avan­ce, bien sûr, je don­ne­rai n’im­por­te quoi pour qu’il appa­rais­se vite et sans pro­blè­me, mais je ne me vois vrai­ment pas me met­tre à hur­ler “Pous­se, mon amour, pous­se, POUSSE ! TU ES FORMIDABLE !” alors que je suis à moi­tié caché dans mon coin et que per­son­ne ne fait atten­ti­on à moi. Ils se retour­ne­rai­ent brusque­ment vers moi tous les trois, vague­ment aga­cés. Et ça, je ne pour­rais pas l’as­su­mer, je con­nais mes limi­tes. A un moment, his­toi­re de ne pas pas­ser pour un abru­ti qui se fout de la nais­san­ce de son fils, j’ai dit d’u­ne voix étrang­lée : “Allez, pous­se.” Mais je me suis trou­vé tel­le­ment ridi­cu­le et pitoy­a­ble, à mar­mon­ner tout seul en hochant un peu la tête (com­me un spec­ta­teur du Tour de Fran­ce extrê­me­ment réser­vé), que je n’ai pas recom­men­cé – je crois que per­son­ne ne m’a enten­du. Avant d’ab­di­quer, je suis même allé jusqu’à essay­er un sou­ri­re com­pli­ce et incré­du­le (qui s’est des­siné dans mon masque de décon­fi­tu­re). Et puis là c’é­tait bon, j’ai obéi au type et je suis sor­ti. Son for­ceps au poing, il fix­ait la pau­vre chat­te de Pim­pre­nel­le d’un œil fou. Cela s’an­nonçait vrai­ment insup­por­ta­ble. Tan­dis que je me diri­ge­ais vers la por­te, com­me dans un cau­che­mar (l’élè­ve chassé de la clas­se (mais en pire)), les jam­bes gazeu­ses, la tête vide, Pim­pre­nel­le et mada­me Bou­teil­le ne se quit­tai­ent pas des yeux. Je n’ex­is­tais plus. J’ai posé la main sur la poig­née (j’a­vais la main légè­re), avec le sen­ti­ment qu’il y avait un pré­ci­pi­ce der­ri­è­re la por­te et que je ne rever­rais jamais plus per­son­ne.” (Phi­lip­pe Jae­na­da, Le cosmonaute)

Le couple Jaemada

Que pen­se vot­re fem­me de vos textes ?

Elle les aime tous, sauf le pre­mier, Le Cha­meau sau­va­ge – le seul dans lequel elle ne figu­re pas (puisqu’on s’est ren­con­trés jus­te après), com­me par hasard… J’avais une peti­te appré­hen­si­on en lui ten­dant le manuscrit du Cos­mo­nau­te, qui est tout de même un long réqui­si­toi­re con­t­re elle, dans lequel j’explique qu’elle me gâche la vie, que je n’en peux plus, que je la détes­te, que j’ai par­fois envie de la tuer, mais ça lui a beau­coup plu. Quand on lui deman­de com­ment elle sup­por­te que je balan­ce tout ça dans mes livres, elle répond : « Pas de sou­ci, puisque c’est vrai. »

 

Vous avez fait tou­te sor­te de bou­lots « à la con ». Aujour­d’­hui, vous êtes écri­vain. Quand vous étiez petit, vou­liez-vous fai­re un métier en particulier ?

Je vou­lais être pilo­te d’avion. J’ai un truc bizar­re avec les avi­ons. Il y a dix ans, nous avons ache­té un appar­te­ment dans le Xe : l’une des cho­ses qui me plai­sai­ent beau­coup, c’était qu’il n’y avait pas de vis à vis et que donc, on voit sans arrêt pas­ser des avi­ons qui décol­lent ou atter­ris­sent à Rois­sy. Je res­te des heu­res le nez col­lé à la fenê­t­re à les regar­der (ça me fas­ci­ne). J’en ai par­lé l’autre jour à ma mère, je ne sais plus pour­quoi, et elle a eu l’air très émue. Elle m’a appris (je ne m’en sou­ve­nais pas, évidem­ment) que dès que j’ai su me met­tre debout, je col­lais mon nez à la fenê­t­re de notre appar­te­ment de Mor­sang-sur-Orge et que je regar­dais, béat, les avi­ons qui décol­lai­ent ou atter­ris­sai­ent (à Orly). Mon pre­mier mot, avant « maman » ou « papa » ou « Gra­no­la », a été « avi­on ». Bref, dès que j’ai su pen­ser, je me suis dit que je serais pilo­te d’avion. Et puis à 17 ans, j’ai com­pris qu’il fal­lait fai­re de lon­gues, séri­eu­ses, fas­ti­di­eu­ses étu­des. C’était pile l’époque où j’ai com­pris aus­si qu’il n’y avait rien de meil­leur que de cou­rir après les fil­les. Ce n’était pas très com­pa­ti­ble, j’ai dû choisir.

 

Vous est-il arri­vé de res­sen­tir cet­te fameu­se angois­se de la page blan­che ? Vous êtes-vous déjà levé un matin en vous disant : « je crois que je ne sau­rais plus écrire ? »

Non. Bien sûr, j’ai eu des moments de doute(s), et pas qu’un peu, c’est même per­ma­nent, et il m’est arri­vé de ne plus savoir, en plein mil­ieu d’un roman, quoi écri­re ens­ui­te (mais dans ce cas-là, j’ai abandon­né et suis passé à aut­re cho­se, un aut­re livre), mais la véri­ta­ble page blan­che, la ter­reur que plus rien ne vien­ne, jamais. Sans dou­te par­ce que je m’impose (je suis obligé) une dis­ci­pli­ne qua­si-sco­lai­re, des heu­res de tra­vail fixes, ce qui crée com­me un réflexe de Pav­lov, un auto­ma­tis­me : quand je m’assieds devant mon ordi­na­teur, je sais qu’il faut que j’écrive, donc j’écris. C’est un peu com­me le som­meil. Tous les soirs, tou­tes les sei­ze ou dix-huit heu­res, on sait qu’il faut dor­mir, donc on dort. Alors que selon les étu­des qui ont été réa­lisées en mil­ieu cou­pé du temps et de la lumi­è­re (je par­le dans La Fem­me et l’ours d’une cer­tai­ne Véro­ni­que Le Guen, qui a fait ce gen­re d’expérience), ce n’est pas notre véri­ta­ble rythme – on serait plutôt du gen­re à dor­mir quin­ze heu­res tou­tes les qua­ran­te-huit heu­res. Mais com­me on s’est réglés là-des­sus, le cycle jour/nuit, ça mar­che, on s’endort. (Or il est au moins aus­si dif­fi­ci­le de trou­ver le som­meil que l’« inspiration ».)

 

Est-ce con­ta­gi­eux d’avoir un écri­vain dans la famil­le ? Vot­re fem­me, vot­re fils, d’autres mem­bres de vot­re famil­le s’essayent-ils à l’écriture ?

Ma fem­me a écrit un livre, un récit de sa jeu­nes­se, mag­ni­fi­que, qui s’appelle Rude, mais qui n’est mal­heu­reu­se­ment plus dis­po­ni­ble. Elle n’a plus envie d’écrire, main­te­nant, c’était une expé­rien­ce trop lon­gue et péni­ble, elle se dit qu’elle n’est pas « fai­te pour ça ». Notre fils affir­me de temps en temps qu’il sera « écri­vain » quand il sera grand. J’essaie de lui expli­quer que c’est loin d’être un plai­sir, mais bien sûr, il fera ce qu’il vou­dra, ce qu’il pour­ra, il sui­vra ses envies – j’espère pour lui (qu’il sui­vra ses envies, pas spé­ci­a­le­ment qu’il écri­ra des livres).

 

Avec vot­re pre­mier roman, Le cha­meau sau­va­ge — que vot­re fem­me n’aime pas mais que cer­tains a‑do-rent donc —  vous avez fait fort puisque vous avez obte­nu  Le grand prix de Flo­re 1997. Vous rela­tez d’ailleurs la remi­se du prix sur vot­re blog.

Etes-vous quel­qu’un d’ancré dans le pré­sent ou vous arri­ve t‑il de fai­re des retours arri­è­re pour revi­si­ter vot­re parcours ?

Les deux, chef. Dans ma vie de tous les jours, com­me on dit, je suis tout à fait dans le pré­sent, j’avance qua­si­ment minu­te par minu­te, sans jamais pen­ser à l’avenir (qui n’existe pas, donc inu­ti­le d’y pen­ser) ni trop me retour­ner vers le passé (de temps en temps quand même : j’aime bien jeter un coup d’œil vers des sou­ve­nirs, quels qu’ils soi­ent, bons ou mau­vais, mais sans jamais la moind­re nos­tal­gie ou mélan­co­lie, jus­te com­me on con­tem­ple une bel­le col­lecti­on qu’on a amassée au cours des années, avec plai­sir – ce sont com­me des petits tré­sors inter­nes, les sou­ve­nirs). En revan­che, dans ma vie d’auteur, je me retour­ne évidem­ment tou­jours vers le passé (je dis « évidem­ment » car, n’ayant pas d’imagination (je l’ai déjà dit, non ?), je ne peux con­strui­re des romans que sur des bases « réel­les », des tru­cs qui me sont arri­vés ou sont arri­vés à d’autres), que ce soit un passé loin­tain (des sou­ve­nirs de jeu­nes­se, par exem­ple, voi­re des sou­ve­nirs plus loin­tains enco­re qui ne sont pas les miens – c’était le cas pour Sulak), ou un passé très pro­che, si je racon­te quel­que cho­se qui m’est arri­vé trois jours plus tôt. (Ce qui est pra­ti­que dans les romans, c’est qu’on peut fai­re se succé­der dans une même jour­née de ficti­on deux évè­ne­ments qui se sont en réa­lité déroulés à vingt ans d’intervalle. Dans La fem­me et l’ours, je me fais plus ou moins kid­nap­per par une pom­peu­se vora­ce (1985, dans la vraie vie) et le len­de­main j’apprends que mon père est mort (2010, dans la vraie vie).) Bref, pour résu­mer (ça peut ser­vir) : je pas­se une moi­tié de mes jour­nées dans l’instantané, l’autre dans le déjà parcouru.

 

Voudriez-vous bien m’offrir pour cet­te page la pho­to de vot­re fem­me aux toi­let­tes du Radio City Music-Hall, à New York ? Cet­te pho­to illus­t­re vos livres, je trouve.

Je ne sais pas bien ce qu’illustre cet­te pho­to, mais je vous crois sur paro­le – et donc vous l’offre avec grand plaisir.

Anne-Catherine Jaenada
Anne-Cather­i­ne Jaenada

 

“Pen­dant qu’elle enlè­ve ses chaus­su­res et son pan­ta­lon de marin (elle n’a pas de culot­te), j’essaie de regar­der autour de moi d’un œil froid et mét­ho­di­que. Je res­pi­re pro­fon­dé­ment par le nez pour ne pas me lais­ser empor­ter dans ce tou­r­bil­lon de fou­toir. Plus de deux cents tenues dif­fé­ren­tes doi­vent être entassées dans la piè­ce prin­ci­pa­le. Une tren­tai­ne de robes font ploy­er un por­tant (des robes de tou­tes les épo­ques, des robes de bal, de peti­te fil­le, d’ouvrière, de chan­teu­se yéyé, de prin­ces­se, de dan­seu­se, de pay­san­ne, de pute, de vedet­te de music-hall, de secré­tai­re de directi­on), cinq vieil­les et gros­ses vali­ses de cuir râpé débor­dent d’autres robes, de jupes, de pan­ta­lons, de che­mi­siers, de tee-shirts, de pulls, plu­si­eurs grands sacs de chez Tatie ou Yves Saint Lau­rent déver­sent des dizai­nes et des dizai­nes d’autres affai­res sur le sol, des fri­pes ou des vête­ments de mar­que, de tou­tes les cou­leurs et de tou­tes les mati­è­res, l’un deux est rem­pli de culot­tes, de sou­tiens-gor­ge, de col­lants, de bas, de por­te-jar­re­tel­les, de den­tel­le, de Lycra, de coton, de satin, de soie, de synt­hé­ti­que, d’éponge même, des culot­tes d’adolescente ou de grand-mère, des sou­tiens-gor­ge de spor­ti­ve ou de fem­me de notai­re, et des tas de cho­ses froissées trai­nent par­tout ail­leurs.” (Phi­lip­pe Jae­na­da, Néfer­ti­ti dans un champ de can­ne à sucre)

Ent­re nous et pour con­clu­re (;-)), vot­re fem­me a vrai­ment autant de frin­gues que ça ?

Je ne vous pro­po­se pas de pas­ser à la mai­son (c’est notre caver­ne impéné­tra­ble), il va donc fal­loir, à vot­re tour, me croi­re sur paro­le : peu de bou­ti­ques dans le mon­de sont aus­si riches en vête­ments de tou­te sor­te que notre appar­te­ment, nos pla­cards, nos armoi­res, notre dres­sing (je dis « nos », notre », mais ma gar­de-robe per­son­nel­le (trois pan­ta­lons et dou­ze polos noirs tous iden­ti­ques), occu­pe envi­ron 0,001% de la pla­ce tota­le). Nos 70 m² débor­dent lit­téra­le­ment de robes (tou­tes cel­les que je décri­vais ci-des­sus, en 1999, sont tou­jours là (les robes de prin­ces­se, de mariée, de bal, de pay­san­ne, d’infirmière, d’acrobate, de peti­te fil­le, d’institutrice et de pute, les robes en den­tel­le, soie, coton, velours, nylon, satin, lai­ne, soie, ter­gal, les robes à frou­frous, à pail­let­tes ou mul­ti­co­lo­res), et des dizai­nes et des dizai­nes d’autres, qu’elle a ache­tées ou qu’on lui a don­nées (quand on la voit habil­lée com­me ça tous les jours, on lui refi­le tout ce qu’on n’ose pas por­ter), sont venues s’y ajou­ter depuis), de tous les gen­res de chaus­su­res exis­tants et d’un nom­bre épou­van­ta­ble de cha­peaux divers. Je le jure sur la tête de tou­te la Compag­nie Créo­le. Ma fem­me, Anne-Cather­i­ne, pour­rait orga­ni­ser un grand bal masqué au Sta­de de Fran­ce en habil­lant tout le monde.

Rire !