Souriez, vous êtes heureux 🙂
Aurélie Gaillot : Agnès Martin-Lugand, bonjour 🙂 Au risque (assumé) de singer Oprah Winfrey à une heure de grande écoute : « Agnès, lisez-vous, buvez-vous du café ? » 😉
Agnès Martin-Lugand : Bonjour Oprah ! Quel honneur 😉
Alors oui, je lis. Moins qu’avant si je veux être totalement honnête. Avant que je ne me lance dans cette histoire un peu folle de l’écriture, je lisais dès que j’avais une minute devant moi, maintenant dès que j’ai une minute, j’écris… Aujourd’hui, je lis le soir dans mon lit avant de tomber dans les bras de Morphée, et quand je pars en vacances. Par exemple cet été au milieu du grand boum dans lequel j’étais plongée avec l’aventure des gens, je voulais travailler sur mon second roman, et quand je me suis retrouvée isolée avec ma p’tite famille, j’ai dit non : pas de travail, mais je vais me faire une orgie de lecture. Allez-vous faire votre petite curieuse et me demander ce que j’ai lu l’été dernier ? Bon alors j’anticipe : Juste avant le bonheur ‚La femme de nos vies, Les apparences, La vérité sur l’affaire Harry Quebert. Des livres qui racontent des histoires, qui vous détendent, vous bouleversent, vous font passer un bon moment.
Quant au café, c’est une longue, très longue histoire d’amour entre lui et moi. J’ai commencé petite fille avec du café au lait, et puis il est devenu noir et sucré, maintenant, je le bois brut, amer, corsé. J’ingurgite ma cafetière chaque matin en écrivant, le midi mon expresso, et le soir un déca …
Alors oui, je lis, je bois du café et j’écris…
Un parcours digne d’un rêve parfait pour vous avec ce premier livre Les gens heureux lisent et boivent du café puisque suite à l’auto édition numérique de ce texte, un éditeur a remarqué quantité de lecteurs pendus à vos mots et vous a proposé un contrat. Vous voilà donc chez MICHEL LAFON avec ce livre qui ne cesse de se vendre, en France et un peu partout à l’étranger.
Racontez-nous ce moment, l’incroyable, quand LAFON vous contacte, et puis la suite… Dites-nous, à une émotion près, ce que ça fait d’être propulsée directement dans un conte de fée.
Lorsque Michel Lafon me contacte, je suis déjà dans les nuages depuis trois semaines, car j’ai des lecteurs, je me dis à cette époque que j’ai bien fait de me battre, de bosser, de tenir bon face aux préjugés. Je suis allée au bout de mon aventure d’écriture en me lançant dans l’auto édition. Donc je suis déjà plus qu’ heureuse quand ils viennent vers moi. Un jour j’ai une invitation FB, je regarde qui c’est, et je vois la profession « travaille chez Michel Lafon éditions », bon on dit oui… Cinq minutes plus tard, un message. Là, je lis, et je me dis : « C’est quoi ce truc de dingue ? ». Florian Lafani, le responsable du développement numérique a lu mon roman, il a été touché et veut savoir si je serais intéressée par une publication traditionnelle. Je ne dis pas oui tout de suite, j’ai peur et en même temps, je me sens forte en tant qu’auteur indépendante, c’est un situation qui me plaît, qui me donne confiance en moi et qui me réussit. Ne vais-je pas tout perdre si je pactise avec le diable ;-). J’ai quand même ouvert une porte, mon roman a été lu par une grande partie de la maison, et ils sont revenus vers moi avec un contrat. Durant les deux semaines d’attente, j’avais commencé à saisir l’ampleur pour une jeune auteur comme moi, et du coup, je le voulais mon contrat 😉 J’étais fébrile, anxieuse, j’actualisais mes mails toutes les deux minutes… Et puis le mail magique est arrivé, ils me signaient pour Les gens, mes gens, à moi, mon petit truc… J’ai pleuré, j’ai sauté au plafond, j’ai dansé toute seule dans mon salon, j’ai ri. J’ai appelé mon mari…
J’ai perdu le sommeil à cette époque-là, d’excitation, de bonheur, de vertige. Oui, je l’ai souvent dit en itw, mais j’ai le vertige de ce qui m’arrive, je me laisse porter, je transforme mes angoisses en force.
La très belle photo de couverture était aussi celle de votre livre numérique, que vous avez souhaité conserver pour l’édition papier. Qui a fait cette photo, qui est sur cette photo ?
Cette photo a été prise par Paolo Pizzimenti, photographe italien au talent exceptionnel ! La photo a été trouvée un peu au hasard… Et elle a débouché sur cette splendide couverture. C’est ma Diane, au début, au milieu, à la fin du roman. Au delà de l’aventure des gens, c’est aussi une très belle rencontre. Paolo est devenu un véritable ami qui m’a fait l’immense honneur de me demander de lui écrire la préface de son dernier livre de photo Paris Insolite, instantané de poésie urbaine. Nous partageons l’un et l’autre un amour commun pour Paris …
Collectionnez-vous des articles vous concernant ? Celui de la merveilleuse Bauge de Thomas GALLEY, par exemple …
Je le confesse ;-). Au début, je l’ai fait convaincue que cela ne durerait pas. Et puis, j’ai continué pour mes enfants, pour qu’ils aient une preuve quand je ne serai plus là, que maman a vécu une aventure extraordinaire avec son livre. Mais je tiens à préciser que je ne me suis toujours pas remise de l’article de Thomas sur mon roman, sa sensibilité et sa lecture m’ont particulièrement touchée et émue. En revanche, je n’ai jamais regardé mes passages TV, ça je ne peux pas …
Difficile de se voir, de supporter sa propre image. Question à la psychologue que vous êtes : Pourquoi la plupart d’entre nous ont tant de mal à se regarder ? Cela tient-il à une sorte de réflexe lié à quelque chose ayant à voir avec de la pudeur, sorte de lutte intérieure entre “devoir dire” (donc l’obligation de se montrer) et vivre cacher. Ou tout simplement complexe égocentré ? Ou que sais-je encore … ?
Tout aussi difficile de répondre à cette question. Je crois que ça a à voir avec la peur de se confronter à l’image que l’on renvoie aux autres. Quelle part de soi avons-nous ou allons-nous révélée inconsciemment ? Peut-on jusqu’au bout préserver notre jardin secret ? On ne s’appartient plus du moment où son image est utilisée, véhiculée… C’est assez dérangeant, troublant.
Et puis, tout bêtement, il y a la peur du ridicule. Je crois aussi qu’on n’est pas préparé à ça. En tout cas, pour ma part, je n’aurais jamais imaginé un truc pareil, me retrouver à la télé, c’est le truc dingue, qui n’arrive qu’aux autres, et que je ne cherchais pas. Soyons clairs, j’écris pour être lue, parce que j’aime diablement me plonger dans mes histoires, faire corps avec mes personnages, et certainement pour me retrouver sous les spots 😉
Mon petit doigt (enfin, le vôtre 🙂 ) m’a dit que votre second roman est en cour de création ; son écriture est-elle aisée ?
Il est même en phase finale à l’heure où nous échangeons, je le peaufine avec mon éditeur. C’est un roman que j’ai commencé au printemps 2012. J’ai souvent interrompu son écriture, d’abord, pour retravailler Les gens à la suite des refus en maison d’édition, ensuite pour me lancer dans l’auto édition. J’ai réussi à m’y remettre au printemps 2013, motivée par cette histoire. Et puis il y a eu la sortie des gens en librairie, la promo, l’excitation permanente qui mettaient des barrières entre mon personnage principal et moi. Cet été, j’étais complètement perdue, je n’arrivais pas à me concentrer à remettre la machine en route. Et puis, j’avais peur de décevoir les lecteurs. Avec mon break vacances en famille avec mon mari et mes enfants isolée du monde, je me suis ressourcée, j’ai retrouvé l’essentiel, l’envie d’écrire plus forte que tout. Je suis rentrée de vacances, et je me suis mise tête dans le guidon, je me suis fondue dans mon histoire, je l’ai regardé différemment, l’expérience de la sortie de Les gens, l’expérience des lecteurs, m’ont donné envie d’offrir à cette histoire une portée différente, de ne pas oublier qui j’étais.
Ce roman aura toujours une valeur particulière à mes yeux, car la pression n’est pas la même qu’à l’époque où j’écrivais Les gens. Désormais, j’ai des lecteurs, j’ai exposé mon écriture au regard de l’Autre. Certains jours cela m’a paralysée, et puis, il suffisait d’un message d’un lecteur pour me remotiver, pour m’inciter à me surpasser. J’apprends la confiance en soi… Tout en continuant en permanence à me remettre en question… Et puis, je sais aussi qu’on m’attend au tournant. J’entends ce qu’on peut se dire : « Est-ce que c’est juste un one-shot ? Est-ce qu’elle est capable d’écrire une autre histoire ? Est-ce que ce n’était pas qu’un coup marketing dû au phénomène de l’auto-édition ?… »
J’essaye de prendre de la distance avec tout ça. Et j’ai la chance d’être portée par une maison d’éditions où je me sens bien, qui m’écoute, qui me laisse libre.
Vous pensez que ces « émotions » ou « réactions » sont liées à une certaine fierté ou à la peur de décevoir (la peur de peiner) ?
Fierté, absolument pas… C’est vraiment la peur de les décevoir, qu’ils se disent : « Mais où est-elle passée ? « J’ai peur de décevoir mes lecteurs, mon mari, mon entourage, mon éditeur… Comme je vous le disais plus haut, j’ai un gros problème de confiance en moi, je me remets souvent en question, j’ai toujours peur qu’on me traite d’imposteur. J’essaie de transformer tout ça en positif, que cela me pousse toujours plus loin, plus haut, que cela me pousse à dépasser mes limites, me pousse dans mes retranchements. C’est mon fonctionnement.
J’ai très envie de savoir dans quel cadre vous écrivez ; pouvez-vous me le décrire ? (merci !)
Je travaille dans le salon, pas toujours évident avec mes enfants. Il m’est arrivé d’écrire dans le jardin aussi lorsque le temps normand me le permet, sur une chaise longue, sur la table de la terrasse… Je cogite aussi beaucoup en voiture, j’y ai souvent de brillantes idées !
Depuis quelques temps, je m’astreins à une plus grande discipline, j’ai réussi à glisser un petit bureau dans un coin du séjour de ma maison, il est près de la baie vitrée, je vois le jardin, je me suis fait mon p’tit coin d’un mètre carré, terre sacrée que je tente vainement de protéger. En terme d’horaires, je dois jongler avec ma vie de maman et m’adapter. Ces dernières semaines, pour avoir des conditions de travail correctes, j’ai découvert le travail de nuit… Je me suis levée à 5h30 tous les matins. Malgré les yeux qui piquent, et quelques frissons après être sortie de la couette, je suis tombée sous le charme de cette période de la nuit, le petit matin. La maison est on ne peut plus silencieuse, je sais que tout mon p’tit monde dort profondément. Après un petit déjeuner, copieusement arrosé de café noir et fort, je me mets devant mon ordinateur, clope au bec, baie vitrée ouverte, et je rentre dans une bulle. Il n’y a qu’eux (mes personnages) et moi, et on est bien, on se retrouve et on avance. Bon, ceci dit, je ne le ferais pas en permanence. Je m’astreins à travailler tous les jours, à un moment où je suis assez tranquille. De toute façon, je ne peux pas m’en empêcher, ou je travaille sur un roman en cours, ou je construis dans ma tête un prochain… Les phases où je suis en plein boum, je suis véritablement tête dans le guidon, où je dors, je mange, je me lave, je fais mes courses… Avec mes personnages.
Mais, mon seul vrai impératif, c’est la musique dans les oreilles. Je suis incapable d’écrire un mot, de me relire, de me corriger, si je n’ai pas la bande originale de mon roman en bruit de fond. D’ailleurs, c’est souvent la musique qui m’inspire. J’ai l’idée au fond de moi, mais je ne sais pas comment la mettre en forme, et puis, j’écoute ou je réécoute une chanson, j’en découvre une nouvelle. Et là, il se passe un truc magique, l’atmosphère de ma scène s’insinue en moi, je commence à entendre ce que mes personnages vont se dire ou ressentir.
Quelle était la musique de Les gens ?
- Florence + the machine Dogs days are over et shake it out (version acoustique)What the water gave me
- Kings of Leon Sex on the fire
- Lyndyrd Skynyrd Sweet home Alabama
- Red hot chili pepers Otherside
- Agnes Obel Riverside
- Sia I go to sleep et Soon we’ll be found
- Morcheeba Blindfold
- Mumford& sons Broken crowe, white blank page et Thistle & weeds
- K’s choice Home et Butterflies instead
- Muse Endlessy
- Snow patrol Run
- Dido Here with me
- Lykke li I know place Get some
- Adele Hometome glory
- Metric Blindness
- Amy Winehouse You know I’m not good
- The Black Keys She’s long gone
- Bill Withers Ain’t no sunshine
Depuis la sortie du livre et l’évènement qu’il représente via un parcours éditorial peu fréquent, avez-vous le temps d’aller au cinéma, de flâner dans les librairies (celles avec pignon sur rue et celles du net), de manger au restaurant ?
C’est quoi le cinéma ? Rires.
Quant aux librairies, oui, j’y vais, je ne vais pas vous dire que j’y flâne. Je n’ai pas de temps à perdre, et souvent un marmot à la main ou en poussette, alors… Lorsque j’y vais, je repars avec une pile énorme…
En fait là, je me relis, et je parle beaucoup de mes enfants … C’est grave docteur ?
Quant au resto, oui j’y vais de temps en temps, mais principalement en vacances. Sinon, je le fais venir à la maison, je suis une spécialiste des plats à emporter …
A propos de restaurant, quel est votre préféré ?
La nourriture indienne et la libanaise se disputent la première place… La gastronomie française ne me fait pas palpiter, de plus je ne fais pas partie de la catégorie des gourmets. Vous ne me verrez jamais faire la queue ou réserver des mois à l’avance pour aller chez un chef étoilé. Mais c’est vrai que les spécialités du bout du monde, c’est autre chose, j’y découvre toujours des saveurs qui m’enchantent ou me donnent excessivement soif ! Lorsque je voyage, je me fais un devoir de manger local. Je suis allée une fois dans un club de vacances, et j’ai été sidérée par les touristes qui mangeaient des pizzas et des spaghettis alors que nous avions un tel choix de produits locaux… Enfin, je perds le fil du propos…
Une partie de votre livre se passe au café littéraire « Les gens heureux et boivent du café. » D’où arrivait cette idée de ce commerce associé aux livres ? Un vieux rêve jamais concrétisé ?
Je n’ai jamais eu envie de tenir un commerce de livres ou d’autre chose. Lorsque je cherchais un métier pour Diane, je me suis souvenue du café littéraire où j’allais lorsque j’étais étudiante à Paris, il était rue Vieille du Temple. J’ai voulu concentrer des choses que j’aimais chez Diane, donc cela collait bien. Et quand il a fallu lui donner un nom, j’ai pensé que la lecture et le café étaient deux choses qui, moi, me rendaient heureuse, alors voilà !
Les personnages principaux de votre premier livre fument énormément ; et vous ?
Joker !
Bon, d’accord, je le confesse, je fume ! J’espère moins que Diane ou Edward, mais je fume quand même. Alors, je sais très bien que certains ont crié au scandale, « Comment peut-on autant parler de cigarette dans un roman ? », ma réponse : « C’est juste la vie… « Oui, il y a des gens qui fument… En plus, je ne voulais pas en faire des personnages propres et lisses, ça ne m’intéressait pas. Diane est une jeune femme de notre temps qui soigne ses plaies en cherchant du réconfort là où elle peut, et parfois c’est en fumant son paquet de cigarettes en quelques heures et en buvant au point d’oublier qui elle est… Ça arrive à tout le monde. Je ne cherche pas à faire l’apologie du tabac, si mes enfants pouvaient éviter de commencer, ça m’arrangerait. Et puis, Edward est quand même plus sexy avec sa clope au bec 😉
Le tournage du film des gens heureux a‑t-il commencé ? Connaissez-vous déjà les noms des acteurs qui incarneront vos personnages ?
Non, le tournage n’a pas commencé, nous n’en sommes pas là. Et je ne sais pas qui jouera dedans… Affaire à suivre…
Vous êtes psychologue de formation. Votre propre thérapie vous a‑t-elle révélé quelque chose d’essentiel ?
Certes, ma profession d’origine m’a donné des connaissances. Mais l’essentiel, il vient de la vie et des épreuves. On apprend à prendre du recul, à se centrer sur l’essentiel et les bonheurs simples. Je ne crois pas que ce soit le fait d’être psychologue qui m’ait fait intégrer le Carpe Diem. Ce que je sais de moi, c’est que je suis déterminée… Et lorsque je veux quelque chose, je ne l’obtiens pas toujours, mais je mets tout en œuvre pour y arriver… C’est ma ténacité qui m’a amenée là où j’en suis aujourd’hui.
Pourquoi cette profession, d’ailleurs ? Pourquoi psychologue ?
Pour commencer, études de psycho à cause du programme de philo en terminale sur « Conscient, inconscient… » Et puis, je ne savais pas trop quoi faire. Ensuite, je me suis prise au jeu, j’aimais bien ce que j’apprenais. Donc naturellement, je me suis dit que j’irais au bout de mes études. J’ai réussi, j’ai décroché une place en DESS. J’ai exercé dans le milieu de la petite enfance, et particulièrement celle malmenée pour ne pas dire maltraitée. J’y ai beaucoup appris, mais beaucoup souffert. Lorsque je suis devenue maman, c’était impossible pour moi de me confronter à nouveau à cette souffrance. J’en garde des connaissances, je les utilise sans le vouloir en écrivant. J’aime que mes personnages aient des traumatismes, qu’ils aient à les combattre et à les vaincre.
Parlez-nous de votre famille.…
Encore ! Mais là, c’est vous qui le demandez ;-). Donc, je suis mariée, et je suis maman de deux petits garçons de 5 ans et demi et de 18 mois. À part ça, j’ai la chance d’être la petite dernière de trois filles.
Que pensent vos enfants du succès de votre livre ? Racontez-nous leur fierté, leurs mots à votre propos…
C’est surtout mon fils aîné qui réalise du haut de son âge qu’il se passe quelque chose avec maman. Il reconnaît le livre de maman. Quand on passe dans les rayons de la FNAC et qu’il le repère, il crie : maman c’est ton livre, et là, je me cache… Sinon, ça lui fait un drôle d’effet de me voir à la télévision, une fois il était avec ses grands-parents et nous étions en voyage avec mon mari, il ne comprenait pas pourquoi j’étais à Paris… M’entendre à la radio, aussi ça fait bizarre : il a sorti des trucs du style : « Mais là, maman, elle est avec Michel Lafon ? ».
Le plus joli moment, c’est lorsqu’il a vu la dédicace au début du roman, il commence à lire, et il a lu son prénom, il était tout ému de voir qu’il était dans mon livre. Depuis, il dort avec un exemplaire au dessus de son lit.
C’est très touchant en effet !
Un an auparavant, quand j’étais arrivée aux urgences en compagnie de Félix, on m’avait annoncé que c’était trop tard, que ma fille était morte dans l’ambulance. (Les gens heureux lisent et boivent du café)
Ça doit être très difficile, en tant que mère, de faire mourir un enfant dans un texte ; là, Clara avait six ans ! C’est dur… Qu’avez-vous ressenti quand vous avez dû la tuer ? Avez-vous hésité à la maintenir en vie finalement ?
Je n’ai pas dû la tuer, parce que dans mon esprit, elle a toujours été morte… C’est justement parce que je me suis posée cette question : qu’est-ce que je ferais si à moi, on m’enlevait ce qui m’est le plus cher que le roman est né. Je me suis projetée à la place de Diane. Je lui ai tenu la main. Mais dites-vous bien que si je n’ai pas écrit la mort de Clara en tant que tel, c’est bien parce que j’en étais incapable. Mais autant comme Diane a avancé dans le deuil de son grand amour, autant comme celui de sa fille, je ne suis pas certaine qu’elle s’en remette un jour totalement…
Alors oui, ça a été difficile. Mais en même temps, c’est la maternité qui m’a donné le courage de me lancer, j’ai eu une force et un côté tête-brulée le jour où j’ai été maman…
L’idée d’écrire Les gens est née en regardant une émission sur l’Irlande à la télévision. Y êtes-vous allée depuis ?
Pour être exacte, le reportage TV ne se déroulait pas en Irlande, mais sur la côte anglaise. Bon on va dire que c’est kif-kif. Mais lorsque j’ai décidé que Diane partirait, il me fallait un endroit précis. J’avais toujours rêvé d’Irlande… Ensuite, j’ai fait comme elle, j’ai posé mon doigt sur une carte, et c’est Mulranny qui a gagné. Depuis, j’ai foulé deux fois la terre Irlandaise. J’en suis amoureuse… Je suis allée à Mulranny, c’était comme dans ma tête. J’ai arpenté les rues de Dublin, j’ai bu de la Guinness dans les Pubs, j’ai chanté. À Mulranny, comme sur la péninsule de Dingle ou je suis allée lors de mon second voyage, j’ai pris le vent dans la gueule (pas d’autres mots), je me suis faite trempée par la pluie froide, cinglante. J’ai pleuré d’émotion devant la beauté, la sauvagerie, l’hostilité de la nature et du climat… Vous l’aurez compris, j’aime l’Irlande… Après je suis bretonne, ceci explique peut-être cela …
Votre second roman se déroule-t-il aussi « ailleurs » ?
NON ! Et c’est tout, je n’en dirai pas plus 😉
(flûte !)
Depuis quand écrivez-vous des histoires ?
Depuis un peu plus de trois ans… Je dus noircir des pages pour la première fois en fac de psycho, plus précisément en maitrise pour mon mémoire. Cela n’a pas été un long fleuve tranquille, mais c’est là que j’ai pris le goût de manier les mots. Et puis, c’est peut-être aussi dû à mon maitre de mémoire qui durant la soutenance m’a dit : « Agnès, vous êtes faite pour écrire ». C’est la première fois que je raconte cette anecdote. Je dois me sentir bien chez vous… 🙂
Sourire !
Ensuite, j’ai exercé ma profession… Et puis, j’ai pris un congé parental. Comme je le disais, la maternité m’a épanouie, et je me suis sentie le courage de me lancer dans cette aventure un peu folle qu’est l’écriture. À cette époque, j’avais envie de raconter des histoires, et celle de Les gens est apparue…
Etes-vous souvent touchée, émue, par le talent des autres ? Y a‑t-il des personnes (artistes ou autres) qui vous ont fait pousser de vrais « Ouaaah » d’admiration ?
Modigliani, je suis fascinée par ses toiles, ses visages, ses corps, ses yeux. Mathew Bellamy, chanteur de Muse, qui me met dans tous mes états, je ressens une multitude d’émotions lorsque je l’entends. Mais un monument, un paysage peut aussi m’émouvoir au point de pleurer. En littérature, si je dois choisir un livre c’est Le Voyage de Théo de CLEMENT Catherine. Après, la vie en général va m’émouvoir. Chacun a son talent, sa façon de l’exprimer …
Et si vous étiez.…
une couleur :
bleu pour mon amour de la mer, et noir pour tout le reste
Une actrice :
moi. De ma propre vie
Un livre :
les contes de Grimm
Un moyen de locomotion :
l’avion
une région française :
la Bretagne
Des bonbons :
les dragibus
un film :
Oh c’est dur, alors j’en mets deux : Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain et Love actually
Nous sommes en Janvier, encore dans les temps pour se laisser aller au rituel des vœux, Que pourrait-on vous souhaiter pour 2014 ?
Euh… Vu le temps que je mets à répondre à vos questions, celle-ci est un peu périmée 😉
Mais bon, qu’est-ce que j’aurais le droit de souhaiter cette année ? Juste de pouvoir continuer à écrire, à rencontrer mes lecteurs, et puis, le reste et le plus important comme pour tout le monde, la santé, des p’tits bonheurs et un peu de soleil …
Merci pour ce très bon moment passé en votre compagnie, Agnès 🙂
À la fin de cette période passée à échanger, je voulais remercier Aurélie pour sa patience face à la longueur de mes réponses, je me suis laissée dépasser par mon quotidien, et j’ai été bien longue, trop longue à chaque fois, j’en suis désolée. Je me suis interrogée sur le pourquoi du comment… en relisant toutes ces lignes, je me suis dit que mine de rien, Aurélie nous faisait nous dévoiler davantage que n’importe qui d’autre… je rebondis sur un de nos échanges précédents sur notre incapacité à nous regarder… Eh bien Aurélie, Félicitations, vous arrivez à nous mettre à table, à donner de nous et de notre intimité dans vos interviews, sans y paraître et avec beaucoup de subtilités ! C’était un vrai plaisir…
Agnès Martin-Lugand